La galerie Emmanuel Perrotin présente « Learning the Magic of Painting », une exposition personnelle de Takashi Murakami qui réunit une quarantaine d’œuvres récentes jamais exposées, d’autres ont déjà été dévoilées lors de la rétrospective majeure de Murakami “The 500 Arhats” qui s’est tenue au Mori Art Museum à Tokyo en 2015, début 2016.
Issue d’une collaboration qui perdure depuis 20 ans, la galerie accueille pour la 12ème fois le chantre du néo-pop nippon qui s’interroge cette fois sur le processus d’élaboration d’une peinture à travers ses propres oeuvres mais aussi par rapport à celles d’autres artistes : « Depuis que j’ai commencé a étudier la peinture, à l’âge de 19 ans jusqu’à aujourd’hui, à l’âge de 54 ans, j’ai appris et je suis toujours en train d’apprendre la magie de la peinture. »
Une série de diptyques et de triptyques rendent hommage à Francis Bacon, Murakami se concentrent sur les figures torturées, la chair en mouvement révélant les blessures et les tourments de l’âme. Il se passionne pour la structure de ses compositions et dont il cherche à s’approcher.
L’artiste expose des monochromes issus notamment de l’exposition « hommage to Yves Klein » qui a également eu lieu chez Perrotin en 2011. L’artiste japonais se confronte à l’œuvre du français en s’emparant de certaines de ses peintures dont il a conservé les formats originels. Il y dissimule l’empreinte d’une accumulation de crânes, le motif semble disparaître de par sa propre répétition.
Au gré de la balade dans les différentes pièces de la galerie, la surprise est au rendez-vous lorsqu’on découvre l’ensemble d’œuvres qui a pour thème les arhats. « Les arhats » est le nom donné aux cinq cents disciples de Bouddha qui ont réussi à atteindre l’illumination par le dépassement de la cupidité, de la haine et des illusions. Ils ont fait l’objet d’un culte au Japon du 17e au 19e siècles, à travers des peintures et des sculptures. Une série de cent peintures réalisées par Kanō Kazunobu après le tremblement de terre survenu à Edo Ansei en 1855 a particulièrement inspiré Takashi Murakami.
L’œuvre The 500 Arhats a été réalisée par Murakami en 2012 suite au séisme et au tsunami qui ont frappés le Japon en 2011 et fait directement écho à celle de Kanō Kazunobu :
« Après le tsunami de 2011 qui a fait des dizaines de milliers de victimes, j’ai pensé que l’être humain avait besoin de religion. Il se trouve que chacun de ces 500 Arhats a une qualité particulière : certains soignent les corps, d’autres l’esprit (…) Face à tant souffrance, celle causée par la perte d’un enfant ou de parents, les Japonais se sont laissés envahir par la tristesse et la colère. Comment l’évacuer ? Comment s’en libérer quand on ne sait pas contre quoi se rebeller ? A ce moment là, je me suis dit : ‘Pourquoi ne pas s’en remettre aux Arhats puisqu’ils sont capables de nous soigner ?’. Croire m’est apparu nécessaire, j’ai donc décidé de les peindre pour mieux les comprendre. «
Ce tableau de cent mètres de long, réalisé en 2012 pour la rétrospective de Takashi Murakami au Qatar, n’est pas présenté dans son intégralité. Une salle lui est dédié, présentant des extraits et des continuations de cette peinture monumentale, tandis qu’une sculpture représente avec une pointe d’ironie, l’artiste lui-même sous les traits d’un robot arhat. Cette touche de mysticisme révèle une étape importante dans la carrière de Takashi Murakami, qui aborde le thème de la religion et de la croyance tout en réactualisant l’art traditionnel japonais.
Dans le continuum de la tradition picturale zen, Murakami se livre à un travail d’épure à travers la série « Ensō » (littéralement, ‘cercle’) un des motifs les plus célèbres dans la peinture japonaise zen. Une réflexion artistique autour du bouddhisme qui reprend et interprète le motif de la zénitude, représentant le vide, l’unité et l’infini. Tracé traditionnellement au pinceau en un geste fluide et parfaitement maîtrisé, L’Ensō qu’exécute Murakami est unique, utilisant la peinture en bombe sur les accumulations de fleurs et de crânes qui sont devenus sa signature, ou encore sur la toile laissée brute ou partiellement peinte. Murakami nous livre ici le fruit d’un cheminement artistique et spirituel complexe.
Pour les férus de Mister DOB, de Kaikai et Kiki, des Flowers, et autres personnages kawaii, imprégnés de l’imagerie des mangas, ils ne seront pas déçus !! Des dizaines d’œuvres inédites raviront les rétines des visiteurs en ce début d’automne. L’une des dernières salles de l’exposition est dédiée à l’œuvre « A pictures of lives wriggling in the forest at the deep end of the universe » composée de 31 panneaux. La promesse d’une immersion pop acidulée, d’un voyage totalement halluciné dans l’univers Superflat imaginé par Takashi Murakami.
Catherine Meyer
Exposition jusqu’au 23 décembre 2016
Galerie Emmanuel Perrotin
76 rue de Turenne
75003 Paris