Pour les journées du patrimoine (13 et 14 septembre 2019), la bibliothèque universitaire de la Polynésie française a ouvert les portes de son « Fonds polynésien » avec notamment l’accès à ses collections de Tapa photographiés ou collectés directement en Océanie.
Dans l’imaginaire contemporain le Tapa est un ornement mural à base d’écorce issu de tradition ancestrale.
La moitié seulement de cette affirmation est vraie. Certes le Tapa est une écorce battue pour être travaillée en étoffe. Cependant dans la tradition, cette étoffe végétale est offerte à chaque nouveau né océanien comme un vêtement et, constamment agrandie par étapes successives, l’accompagnera tout au long de sa vie jusqu’au dernier voyage. Enfant elle le réchauffera, au seuil de la vie elle sera le cocon protecteur pour l’ensevelir.
Le nouveau né qui n’a pas son tapa, n’a pas de reconnaissance identitaire. « Il n’existe pas, il est moins qu’un animal » déclare Tekura, d’Arioi Expérience.
Cette pratique communautaire, transmise de génération en génération, a d’abord été l’apanage des femmes. Assises en tailleur, c’est lors de la confection du tapa qu’en se relevant régulièrement pour se dégourdir les jambes, les femmes, en remuant le bassin firent éclore les prémices du Ori Tahiti (danse tahitienne).
L’écorce est une protection à la fois tangible et symbolique. Elle protège l’arbre mais aussi l’homme. Devenue Tapa, cette écorce est le reflet d’un statut social, les motifs en augmentant la valeur et affichant le prestige de celui qui le porte.
Plusieurs essences participent à sa conception, chaque essence correspondant à un niveau social. Tout d’abord l’écorce et les racines de Banian qui offre une coloration doré, puis l’écorce du Murier à papier plus claire ainsi que l’écorce de l’Arbre à pain et pour finir la plus noble et presque blanche, l’écorce du Figuier des teinturiers.
Le Tapa se fabrique à l’aide de deux instruments : L’enclume ou tutua (prononcer toutoua) et le battoir ou i’e (prononcer i-é). L’enclume peut-être en pierre comme aux Marquises ou en Pin polynésien, le battoir est toujours en Pin polynésien.
Après trempage dans l’eau, la bandelette d’écorce est énergiquement frappée avec l’i’e sur le tutua. L’i’e présente 4 faces avec des nervures de profondeurs différentes. Pour étendre l’écorce, on commence par les nervures les plus profondes jusqu’à la partie quasiment plate pour régulariser l’ensemble.
Un chant rythmique, Pata’u ta’u accompagne ce rituel.
Il est ensuite orné de motifs noir, rouge, marron et jaune à base de pigments végétaux.
Hereiti, d’Arioi Expérience, rectifie l’idée reçue occidentale selon laquelle les polynésiens se promenaient en tenue d’Eve. Que nenni, le Tapa, étoffe ancestrale couvrait le corps de chacun. En marque de respect les polynésiens se dévêtaient seulement le haut face aux chefs.
Ils ont eu la même attitude face aux corps blancs des missionnaires, le blanc symbolisant la pureté. Ils se sont dévêtus le haut en s’inclinant selon leur rituel à mille lieux d’envisager ce malentendu.
Une culture se transmet par les objets et par l’immatériel. Cela est d’autant plus vrai pour les peuples de tradition orale comme en Océanie.
Se réapproprier et transmettre activement cet art qui aurait pu se perdre lors du développement du coton à Tahiti favorise la reliance aux ancêtres.
Savoir d’où l’on vient permet d’envisager l’avenir, les artistes contemporains s’emparent du support dans une démarche contemporaine où la décoration a pris sa place sans oublier le rôle symbolique et vestimentaire du Tapa.
A l’issue de ses visites guidées des ateliers de création ont été proposés au public sous l’égide de la start’up Arioi expérience.
Université de la Polynésie française
Campus d’Outumaoro
98702 Punnaauia
+689 40 80 38 03
Des ateliers Tapa sont prposés chaque premier dimanche du mois au Musée de Tahiti et des Îles avec Arioi Experience.
Remerciements à Vayana Chand, responsable du Fonds polynésien, Hereiti et Tekura d’Arioi Experience.
Texte et photos : Valmigot