Wei Ligang
Né en 1964, Wei Ligang a très tôt bénéficié d’un environnement familial ouvert aux pratiques artistiques et commencé l’apprentissage de la calligraphie dès son plus jeune âge en copiant des œuvres contemporaines.
Étudiant précoce, il fut également orienté vers des études de mathématiques et a rejoint à 17 ans la prestigieuse université Nankai de Tianjin où il poursuivit en parallèle de ce cursus son apprentissage de la calligraphie. Cette période à Tianjin fut en effet un moment privilégié de son ouverture à de nouvelles influences alors que la Chine s’ouvrait au monde et que la calligraphie retrouvait son prestige parmi les expressions d’une culture nationale ancestrale après les années de la révolution culturelle.
Il eut ainsi accès à des ouvrages traitant des artistes modernes et contemporains occidentaux. Artiste engagé, Wei Ligang a intégré puis pris la direction de l’association des calligraphes chinois de son université et il organisa de nombreuses rencontres, conférences et expositions, rencontrant à l’occasion les plus grands maîtres locaux de la discipline et bénéficiant de leurs conseils et de leur enseignement. Trois d’entre eux notamment jouèrent un grand rôle dans sa formation : Li Henian 李鹤年 (1912-2000), Sun Boxiang 孙伯翔 (né en 1934) et Wang Xuezhong 王学仲 (1925-2013). Ce dernier compte d’ailleurs au rang des calligraphes majeurs du XXe siècle et sera à l’origine de la création de départements de calligraphie dans de nombreuses universités. Il est l’un des artisans du premier renouveau post-maoïste de la calligraphie.
Grâce à ces trois maîtres, Wei Ligang démontre une solide expertise dans l’exercice de la calligraphe et dispose d’un niveau de technique devenu rare après la disparition des dernières générations formées avant la fondation de la République populaire. Sa maîtrise du répertoire classique aboutit rapidement au développement d’un style personnel, marqué par le goût de l’expérimentation dont la nouveauté et le regain d’intérêt du grand public comme des autorités lui permettent, en 1988, de publier, à vingt-quatre ans, une monographie sur son œuvre.
Ayant obtenu sa mutation en tant que professeur de calligraphie et malgré sa renommée grandissante, Wei Ligang considère son apprentissage comme inachevé et emploie ses premières années de professorat à approfondir sa connaissance des styles anciens. Ce travail de perfectionnement aboutit à une forme de crise artistique, lorsque Wei Ligang se retrouve bloqué dans l’évolution de son style. Il s’oriente dès lors vers une dimension plus contemporaine et picturale sous l’influence de modèles nippons d’avant-garde à l’image du mouvement Nihonga 日本画 qui s’inspire du cubisme.
Afin d’atteindre son objectif, Wei Ligang abandonne en 1995 son poste de professeur et rejoint Pékin, où il se lance comme artiste indépendant et se plonge dans l’étude des travaux d’artistes occidentaux, tels que Picasso, Dubuffet, Miró, De Kooning et Klee. Autant de peintres aux styles différents mais qui ont pour point commun d’avoir à différents moments de leur carrière su faire coexister sur une même surface le dessin et la structuration des formes, avec un emploi extensif de couleurs vives.
Les premières œuvres produites à Pékin témoignent d’une rupture complète avec le style de ces débuts comme avec les règles de la calligraphie classique, qu’il s’agisse de l’immersion complète au sein de nouvelles problématiques comme du traitement graphique, semblant presque évacuer la question calligraphique, pour ne traiter que de peinture.
S’inscrivant dans la lignée de l’expressionnisme abstrait et de son équivalent pictural français, ses œuvres donnent l’impression de n’en retenir que le goût pour l’expressivité des couleurs et pour l’importance primordiale de la gestuelle par de grands coups de pinceaux magistraux et des effets de matière, cherchant à donner au spectateur une perception directe de profondeur, grâce à une superposition de touches et de nuances chromatiques comme par l’emploi de traits noirs dont l’interaction avec les plans colorés qui semblent réagir à des logiques indépendantes.
Li Chenlu