Ya Ping Fan, Parcours d’humanité
Artiste étonnamment plurielle, quasi planétaire et riche d’une humanité à partager sans limite, Ya Ping Fan est née en Chine en 1979, dans la province intérieure du Hunan. Son père, calligraphe réputé l’initie dès l’âge de 3 ans, à la peinture et à la calligraphie, et sa mère est bouddhiste pratiquante. Diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Guangzhou, Ya Ping Fan s’ouvre très jeune aux grands voyages de la terre et de l’âme, à la psychologie (avec un doctorat !) et à la culture occidentale, philosophique et picturale. Elle écrit, enseigne et photographie. Elle dessine et peint, à l’encre et à l’huile. Elle sculpte aussi, du petit format précieux jusqu’à la pièce monumentale, saisissante et mobile, création centrée sur d’étranges poupées intemporelles superbement attractives, un rien vénéneuses, dépouillées de tout apparat, ou vêtues de très transgressive manière…
Magicienne des rites de la vie et de la mort
La Chine, en matière d’art contemporain, jouit d’une immense notoriété, fût-elle à double tranchant. D’une part, les artistes chinois dits émergents, fort connus et parfois même trop, assurent au pays un énorme et attractif retentissement artistique. D’autre part, tirant à eux la couverture médiatique, ces artistes masquent les profondeurs de la créativité de ce grand pays à la prodigieuse histoire culturelle. Les artistes dits émergents, de Chine, de la Russie, de l’Inde ou d’ailleurs, souvent systématiquement encensés par la critique internationale comme par les spéculations financières, ne sont et ne seront certainement pas tous voués à une véritable reconnaissance artistique durable… Moins marqués par la fragilité d’un éphémère vedettariat parfois fabriqué, d’autres créateurs existent en Chine, et ils sont nombreux. L’exposition d’artistes chinois, vue récemment au Musée d’Art National de Pékin, impressionnait par la diversité, l’ouverture et l’extrême qualité du niveau esthétique montré. C’est le cas de Ya Ping Fan.
On verra bientôt cette jeune artiste de moins de 40 ans à Paris, à l’Espace Commines, et à Lyon, pendant la Biennale. Au-delà de sa sidérante envergure créatrice, Ya Ping Fan, dans son pays globalement athée, a une conscience profonde du sacré. Sa série « Lumière du Bouddha » et « Saint-Esprit » est le résultat d’un questionnement de plusieurs années sur le sacré, la philosophie et les sciences. Ses travaux réellement pratiques ouvrent un espace troublant et habité entre abstraction et figuration. En étudiant et en comparant la philosophie et la théologie de l’Est et de l’Ouest, l’artiste a pu trouver des éléments à la fois communs et uniques aux concepts orientaux et occidentaux du divin. A travers une grande partie de sa création, elle cherche à susciter, sans aucune béquille idéologique, une réflexion, voire une méditation, sur la nature, les limites et les possibles de la foi.
Déferlement instinctif et alluvions émotionnelles
Mais Ya Ping Fan ne craint pas les bas-fonds de l’âme. Si cette artiste venue de Chine élargit l’espace pictural, c’est d’abord parce qu’elle élargit l’espace mental. Elle part des soubassements inexplorés du psychisme primordial. Dans les voilements de l’œuvre, dans ses replis étouffés, on perçoit la présence décapante de sources convulsives venues soudainement du fond des âges. L’expressionnisme est tout proche, et l’espace peint d’abord corporel. Sur les parois profondes de la préhistoire de l’être se déploie la peinture sacrificielle de Ya Ping Fan. Ses grands formats, ses rares et puissants paysages, dans la proximité d’un Kieffer, et ses grandes faces implacables, saccagent l’étendue. Ces figures défigurées, ces faces de chaos ultime, trouent le vide. Dans l’imminence d’une autre naissance, et dans l’attente d’une autre humanité… Comme si la nôtre ne méritait plus d’avoir un visage…
A l’inverse, dans ses petits formats, ses moyens artistiques, par l’œil et le geste, sont saisissants de finesse, de fragilité et de fluidité. Calligraphie du presque rien, de l’allusif et de la tache aventureuse.
Ya Ping Fan est au cœur du réel. Elle expérimente sans cesse l’événement unique de l’existence amenée à l’instant fabuleux où tout se joue, quand la création arrache à la mort-vie des lambeaux d’être. Un registre chromatique resserré et décanté l’éloigne des séductions du visuel ordinaire, et sa gamme compacte, dramatisant l’espace, entre les rouges et les noirs, interdit toute fuite vers les fausses clartés du jour.
Chez Ya Ping Fan, un être innombrable traverse à vif le vide grand ouvert de l’univers.
Christian Noorbergen, commissaire de l’exposition
« L’exposition de FAN Ya Ping, «Parcours d’humanité», porte bien son nom.
Pour cette première exposition personnelle à Paris, l’artiste nous offre à voir des œuvres empreintes d’humanité. Que ce soit dans les grandes toiles, peintures très fortes et présentes dans leur frontalité ainsi que dans les gravures en noir et blanc au trait maitrisé, les œuvres nous interpellent, renvoyant comme dans un miroir, l’être intérieur.
Autre registre avec les photographies de ses installations de poupées. Des Poupées ? oui mais des poupées réduction féminines. Des femmes qui captivent, illusion d’une époque contemporaine où la féminité est douceur.
L’artiste passe de l’un à l’autre – va et vient incessant – s’exprimant par ces différents medium en fonction de ses émotions, de ce qu’elle souhaite raconter, de ses états d’âme.
FAN Ya Ping est une artiste chinoise, dont l’œuvre fusionne inspirations et sagesses orientales et occidentales. » Véronique Grange-Spahis
Vernissage mardi 5 septembre de 19h à 21h
Exposition du 2 au 10 septembre 2017
Espace Commines
17 rue Commines 75003 Paris
de 10h à 19h