Le marchand de Venise
Comme je le dis souvent, ma préférence va généralement aux créations plutôt qu’aux pièces du répertoire. La prise de risque est plus grande. L’attrait de la nouveauté, dans le thème abordé comme dans la forme, aussi, sans doute. Mais ces considérations demeurent en définitive de peu d’intérêt. Surtout lorsqu’un spectacle permet la rencontre entre un auteur gigantesque par la richesse de son œuvre autant que par son intemporalité, et un metteur en scène inventif et courageux. En outre Le marchand de Venise ne compte pas parmi les pièces de William Shakespeare les plus jouées. Moins connue, taxée trop rapidement d’anti sémite, ce texte présente pourtant bien des atouts pour amener le spectateur à la réflexion. Sa portée humaniste et philosophique restant d’une criante actualité.
Ned Grugic a du génie pour remettre au goût du jour ce que d’aucuns considèrent trop classique voire désuet. Boulimique d’art, il enchaîne frénétiquement les productions dans des univers aussi variés que le conte, la comédie musicale ou les grandes œuvres du répertoire, précisément. Ned met une nouvelle fois son inspiration foisonnante au service du propos, car l’auteur et le fond doivent passer avant toute intention de mise en scène et de scénographie. Toujours malin à recréer avec trois bouts de bois un univers empreint de magie et d’une évidente spiritualité.
Le metteur en scène -qui assure également la direction d’une école de comédie musicale comme nous l’évoquons au début de l’interview- fait le choix de focaliser toute l’attention sur l’intrigue principale de l’œuvre originelle, lui insufflant un rythme donnant toute son amplitude au suspense qu’entretient l’histoire. Il exige de ses comédiens de maintenir une tension palpable, une manipulation des décors comme des émotions. Un théâtre vivant, vibrant où l’on perçoit à chaque instant l’implication de toute une équipe. Sans doute Ned Grujic influence de jeunes metteurs en scène –on pense par exemple à un Alexis Michalik– et continuera de les inspirer.
Vents d’Orage s’est donc rendu au Lucernaire pour se délecter de ce bijou pourpre et demander à Ned de nous donner un peu de ce qui fait le sel de son travail :
Le pitch : Antonio, riche marchand chrétien, accepte d’emprunter trois mille ducats à l’usurier juif Shylock afin d’aider son ami Bassanio à faire la conquête de la belle et riche Portia. Au moment où celui-ci gagne la main de la jeune femme en remportant l’épreuve des trois coffrets, il apprend qu’Antonio vient d’être jeté en prison pour n’avoir pu rembourser sa dette. Shylock exige alors qu’une livre de chair soit prélevée sur le corps de son débiteur.
Sur fond d’intolérance et de vengeance, Le Marchand de Venise résonne de façon étrangement contemporaine, mêlant la recherche absolue du profit à la quête de l’idéal amoureux.
Auteur : William Shakespeare
Mise en scène: Ned Grujic
Avec : Thomas Marceul ou Cédric Revollon, Julia Picquet ou Léa Dubreucq, Rémy Rutovic, Antoine Théry
Calendrier des représentations :
Du mardi au dimanche à 20 h, 17 h les dimanches, jusqu’au 1er avril 2018
Théâtre Lucernaire
53 Rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
David Fargier – Vents d’Orage