L’inattendu. Il se cache partout et se révèle à qui veut bien se montrer ouvert, attentif, à l’affut. A l’occasion d’un autre spectacle de mime, je disais récemment le plaisir de redécouvrir une discipline au cœur de l’art dramatique. Bien plus qu’au cinéma, le corps, dans cet exercice exigeant, dit tout, doit tout dire, tout exprimer, tout manifester. L’inattendu tient ici de l’originalité de la proposition. Le mime a bel et bien le droit de parler, et de parler bien et chaud et fervent, de son art car c’en est un, bien plus foisonnant que l’on ne pourrait le penser. « La parole du silence » titre poétique s’il en est ; nul autre n’aurait su résumer avec plus de justesse et de concision de quoi il retourne. Le silence et l’existence d’une femme fragile mais déterminée, que le hasard tout autant que le talent ont attirée comme un aimant vers le plus grand…
Comment s’étonner alors que la pièce –inattendue, donc– séduise celui qui veut rire, celui qui s’attache à comprendre l’histoire, celui qui recherche l’émotion. Les « celui » en question peuvent d’ailleurs n’être qu’un. Un et multiple tout comme Elena Serra, seule en scène, lumineuse et passionnée, se convoque elle-même sur scène pour évoquer son parcours, inattendu lui aussi. Et elle convoque ses maîtres et les personnages qu’ils ont incarnés, de l’antiquité à un passé récent. Permettez-moi quelque cliché ou lieu-commun au sujet de cette comédienne : Elena Serra incarne à elle seule le feu de l’Italie, sa finesse, sa fièvre et ses emportements. Une Italie rencontrant la France, sœur jumelle qui la comprend si bien.
Une galerie de personnages (re)prend vie devant nos yeux d’enfants, trop heureux de retrouver les mimiques de Charlie Chaplin ou de Marceau. Ces personnages nous disent par la perfection et la maîtrise gestuelle, les étapes de vie d’une artiste catapultée dans un rôle de professeur auquel elle n’osait rêver. Ils nous disent que le mime demeure au cœur du spectacle vivant sans même que le spectateur en ait conscience, des expressionnistes allemands à Patrice Chéreau en pensant par les clowns et les danseurs contemporains. Inattendu, riche, drôlissime, tendre, un brin nostalgique et terriblement énergique. Un spectacle du rien qui se suffit à lui-même pour tout raconter. Une comédienne du corps qui mime l’indicible et ce que les mots peinent parfois à… chut ! car revoilà la chanson du geste. Vous auriez bien tort de ne pas l’écouter.
Le pitch : Cette conférence loufoque et véridique traite des Arts du mime, entre poésie et théâtre populaire.
A travers son parcours de femme-mime, Elena Serra fait résonner la parole des grands Maîtres tels qu’Étienne Decroux, Jean-Louis Barrault, Marcel Marceau et rejoue des personnages du passé tels que Livius Andronicus, Médée, Charlot.
Ce spectacle autobiographique et tout public nous amène vers le langage universel du théâtre : Le corps !
David Fargier
La parole du silence
Auteur : Elena Serra
Mise en scène : Eugenio Allegri
Avec : Elena Serra
Les 22 janvier, 19 février et 19 mars 2019 au
5 rue des vignes
75016 Paris