Considéré comme l’un des peintres abstraits les plus importants de la seconde moitié du 20e siècle, Martin Barré (1924-1993) a fait l’objet d’une rétrospective-événement au Centre Pompidou. Cette exposition faisait suite à celles consacrées aux artistes abstraits Pierre Soulages, Simon Hantaï, Jesus Rafaël Soto, François Morellet ou, dernièrement, Ellsworth Kelly.
Ouverte le 14 octobre 2020 – heureux sont-ils ceux qui ont pu voir cette exposition pendant les 15 jours avant la fermeture des musées ! – l’exposition prévue jusqu’au 4 janvier 2021 a pu être prolongée jusqu’au 5 avril dans une quasi solitude…
L’exposition — qui rassemblait 66 peintures allant de 1955 à 1992, dont douze sur la vingtaine de toiles figurant dans la collection du Centre Pompidou — présentait les grandes séquences de l’œuvre et leur logique propre.
Parallèlement, l’œuvre L’Indissociable (1977-78), constituée de quatorze toiles, était montrée dans les espaces des collections, au niveau 4 du Musée. Elle n’avait été exposée qu’une seule fois, en 1979, lors de l’exposition au Musée d’art moderne de la ville de Paris
À partir du milieu des années 1950, Martin Barré inaugure la voie d’une abstraction singulière qui n’est ni informelle, ni géométrique. Sa peinture est vite remarquée comme l’une des plus ambitieuses du moment en cherchant davantage à révéler l’espace qu’à produire des formes. Dès 1958, le Guggenheim Museum le fait entrer dans sa collection. À cette fin, dès 1960, il fait de la ligne l’élément central de son langage. Tout d’abord tracée directement au tube sur la toile, puis à la bombe aérosol à partir de 1963 et jusqu’en 1967, la ligne possède une double vertu. Bien mieux qu’une forme, elle renvoie au geste qui l’a produite, qu’il s’agisse du mouvement de l’artiste ou de la force plus ou moins grande avec laquelle la peinture sort du tube ou de la bombe. À la différence d’une forme, la ligne n’occupe pas la surface du tableau, mais la transforme en espace sous l’effet de la trajectoire qu’elle y dessine.
Après une interruption de quatre ans, occupée par un «épisode photo-conceptuel», Martin Barré reprend la peinture en 1972. Jusqu’en 1977, il réalise cinq séries avec lesquelles s’inverse la veine réductionniste des années 1960.
Dans les années 1980, la figure, qu’avait éliminée la prédominance de la ligne durant les années 1960 et qui n’était qu’un effet collatéral du système dans les séries des années 1970, revient au premier plan. Avec la figure, c’est aussi la couleur qui s’affirme, et tout d’abord dans la série 80-81 aux subtiles couleurs pompéiennes, puis dans les ultimes séries, où sur des blancs très légèrement colorés, la figure et la couleur s’identifient l’une à l’autre. Durant cette période, la peinture de Martin Barré emprunte les voies de l’abstraction géométrique et réinstaure le traditionnel rapport figure/fond, qu’elle s’était efforcée de déjouer depuis toujours, sans toutefois engendrer une illusion de profondeur du champ pictural.
Si vous n’avez pas pu laisser votre regard pénétrer dans les tableaux, heureusement, vous pourrez quand même en savoir plus avec la visite en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=HS5e3–aqHw