Au musée du Luxembourg, l’exposition « Miroir du Monde » réunit une centaine d’œuvres et objets exceptionnels provenant de la Kunstkammer, « cabinet d’art » ou « cabinet de curiosités » de Dresde. La commissaire de l’exposition, Claudia Brink, définit le cabinet d’art comme un lieu réunissant « des œuvres d’art, […] des instruments et des livres scientifiques, des productions particulières de la nature, des souvenirs et des portraits ainsi que des objets d’origine extra européenne, les ethnographia. »
Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, le cabinet de Dresde a rassemblé toutes ces « curiosités », créant un monde en miniature. Ces collections témoignent à la fois de la fascination pour la rareté, mais aussi d’un désir de puissance des Princes de Saxe qui manifestent leur pouvoir à travers ces collections exceptionnelles. Celle de la Kunstkammer reflète également le foisonnement des échanges culturels et commerciaux mondiaux de cette période, ainsi que la vision du monde euro centrique, typique de l’époque.
Le parcours de la visite est divisé en sept sections :
Dans la première salle, « Étudier le monde, images du ciel et de la terre », on découvre la vision que l’Europe de cette époque a du monde, à travers des cartes et des globes. Ces objets illustrent la connaissance croissante des diverses parties de la planète, résultat de la grande époque des explorateurs. Des instruments scientifiques font également partie du cabinet de Dresde et constituent des outils de recherche importants, sur lesquels s’appuient parfois les princes électeurs de Saxe eux-mêmes pour approfondir leurs connaissances. Le cabinet d’art devient alors cabinet d’étude et les collections sont « rendues accessibles à un public intéressé, composé d’aristocrates de haut rang puis, peu à peu, d’érudits, d’étudiants et d’artisans » (Marius Winzeler, Dresde et le Monde, extrait du catalogue de l’exposition).
La deuxième salle du parcours, « la vogue des cabinets de curiosités, une quête de la rareté » constitue le cœur de l’exposition. La rareté des pièces exposées reflète la puissance des princes électeurs qui affirmaient leur pouvoir en exposant des pièces d’une grande valeur, à la fois symbolique et marchande. C’est le cas de certaines œuvres en ivoire d’Afrique, en nacre de Chine ou encore des noix des Seychelles des Maldives, noix auxquelles les européens attribuaient le pouvoir magique de lutter contre la mélancolie et la colère.
La troisième salle, « l’ivoire, un matériau d’intérêt mondial » met en lumière le traitement artistique de « l’or blanc » et sa valeur commerciale. À partir du XVIe siècle, la mondialisation des échanges se traduit par une demande accrue des pays d’Europe. L’artisanat africain de l’ivoire s’exporte ainsi de plus en plus pour s’adresser à un public européen, à l’image des cuillères décoratives produites pour le marché européen.
La quatrième salle, « Naturalia, l’art et la nature » présente de précieux travaux d’orfèvrerie inspirés par la nature. Les bateaux arrivent en Europe, chargés de corail, de nacre et de coquilles de nautile. Les artisans de Nuremberg, importante ville marchande, élaborent des trésors d’art à partir de ces matériaux. Les pièces ainsi crées deviennent de véritables objets de collection dans les cours des princes d’Europe.
La cinquième salle, « visions du monde, formation de stéréotypes » expose de nombreux objets qui constituent une sorte de miroir déformé de la réalité, où se reflète la vision qu’ont les européens des régions les plus lointaines. De nombreuses œuvres sont des tentatives de figurer les pays extra européens, mais le piège du cliché dans la représentation se manifeste.
Une des raisons de ne pas manquer cette exposition, c’est la présence d’un chef-d’œuvre du cabinet de curiosité allemand : une Statuette au plateau d’émeraude, ornée de pierres précieuses, qui, à cause de sa fragilité, ne sera jamais plus exposée en dehors de Dresde.
La sixième salle, « la porcelaine, symbole des échanges entre l’Orient et l’Occident » témoigne de la commercialisation mondiale de ce matériau. La porcelaine, qui provient généralement de Chine ou du Japon, est une des premières matières à circuler entre les continents. Auguste le Fort, prince électeur, rassemble à Dresde la plus grande collection européenne de porcelaine asiatique. La création par ce dernier de la manufacture de porcelaine royale et princière de Meissen, rivalise désormais avec les productions asiatiques.
La dernière salle de l’exposition « l’art de l’empire ottoman, mode et fêtes de cour » présente des objets du territoire de la Turquie. Le cabinet turc de Dresde renferme la deuxième plus grande collection d’armes ottomanes au monde. Les objets de ce cabinet sont très souvent des cadeaux diplomatiques ou des œuvres de commande. Auguste Fort apprécie tout particulièrement l’art de l’Empire ottoman et aime se mettre en scène dans les atours d’un sultan. Il fait venir à Dresde des tentes, des armes et des vêtements, mais aussi des chameaux et chevaux arabes à des fins de parade lors des fêtes de cour à « la mode turque ». Auguste Fort apparaît comme le véritable protagoniste de l’exposition : son orientalisme, son goût du bizarre et de la beauté, se révèlent derrière de nombreuses pièces de sa collection dont l’exposition restitue l’esprit.
Perrine Decker
Du 14 septembre 2022 au 15 janvier 2023
Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard 75006 Paris
ouvert tous les jours du lundi au dimanche de 10h30 à 19h, nocturne le lundi jusqu’à 22h
Réservations :