« Toxique » de Sagan, une ode à la vie

Tous les jeudis à 21 heures, À la Folie Théâtre et La Compagnie Le Plateau des Sources Rouges présentent du 8 septembre au 29 décembre 2022 dans un solo de femme ce journal de Françoise Sagan rédigé en 1957 à l’aube de sa vingtaine.
Trois mois durant, flirtant avec la mort, elle s’intoxique via un dérivé de morphine visant à atténuer les douleurs consécutives de ses spectaculaires tonneaux en Aston Martin. Dans cette chaotique foulée, elle atterrît en unité psychiatrique pour se sevrer.

C’est dans ce point d’inflexion qu’entre en scène 60 minutes chrono la vibrante comédienne Christine Culerier. Elle y incarne magistralement Sagan dans la simplicité de ses codes vestimentaires, dans la force de sa virtuosité émotionnelle, dans ses déplacements de chat.

Christine confie : « depuis 10 ans, je suis immergée dans son œuvre, elle m’est familière, elle est entrée dans ma vie et ne me quitte plus. Femme, écrivaine dont les mots, l’écriture, la pensée me transportent. Elle est pour moi une philosophe, essentiel donc de la faire entendre, de l’interpréter, de la faire vivre » et de rajouter « qu’elle aime son intelligence, son humour, ses excès, sa légèreté mais aussi sa gravité, son extrême lucidité, son amour de la littérature ».

Cet amour Christine Culerier nous l’offre sans restriction dans une scénographie en perspectives finement épurée de Eric Den Hartog, exacerbant les contraires : le noir révèle le blanc, la souffrance, la délivrance, les maux, les mots, puis le renoncement pulvérisé par un communicatif élan vital liant d’un seul trait le public, la comédienne et le texte dans cette boite noire qui figure la salle telle une allégorie de notre intériorité. On « s’y éprend de soi ». Un état d’être suggéré par la pensée du « charmant petit monstre » comme la nommait François Mauriac. S’éprendre de soi, c’est par ricochet être en capacité d’aimer l’autre, de croire en la vie un peu, beaucoup, passionnément, à la folie.

Selon le metteur en scène Cécile Camp « Toxique est un rite de passage, celui de l’enfance à l’âge adulte ». Dans cet arrêt forcé à l’hôpital avec l’ennui en compagnon d’infortune, Sagan « tente ce passage, considère l’état d’être adulte et fait demi-tour, choisissant à jamais la juvénilité ». Un fragment de cet écrit méconnu fait écho à cette assertion :

« J’avais 16 ans

J’ai eu 16 ans

Je n’aurai plus 16 ans moi qui me sens la jeunesse même.

Je n’ai pas vieilli en fait, je n’ai renoncé à rien ».

Dans cette proposition théâtrale ciselée, d’après une adaptation de Michelle Ruivo, l’intense mise en lumière de Dominique Fortin associée aux subtils et parfois volontairement dérangeants sons du musicien Victor Paimblanc trament le déroulé d’une performance qui touche à l’intime.

Alors par absorption on y fait sien ces mots de Sagan :

« Il n’y a pas d’âge pour réapprendre à vivre. On dirait même qu’on ne fait que ça, toute sa vie. Repartir. Recommencer. Respirer à nouveau. Comme si on n’apprenait jamais rien sur l’existence sauf parfois, une caractéristique de soi-même. »

Texte et photos extérieures du Théâtre : Valmigot

Crédit photos scène : Laurence Navarro

Du 8 septembre au 29 décembre 2022 tous les jeudis à 21H

A La Folie Théâtre, 6 rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris

Réservations : 01 43 55 14 80

www.folietheatre.com