Le Musée d’Orsay inaugure une nouvelle salle dédiée à la Commune de Paris. Ironie de l’histoire, le monument a été incendié pendant ces événements en 1871, avant d’être transformé en gare à l’occasion de l’exposition universelle de 1900, et enfin de devenir un musée en 1986. On a souvent accusé les femmes d’être les incendiaires de ces grands monuments ; de là est né le mythe de la pétroleuse. C’est une de ces communardes que l’artiste Giacomo Ginotti a choisi de représenter.
Ce sculpteur italien a connu une grande notoriété en Europe au XIXème siècle, avant de tomber dans l’oubli. Plusieurs de ses œuvres attirent l’attention, telles que le Jeune homme dispersant ses fleurs, et l’Esclave enchaînée, qui sera acquise par le roi d’Italie à l’occasion de l’exposition universelle de 1878. Mais c’est avec La Pétroleuse vaincue, réalisée en marbre en 1881, que l’artiste confirme son talent. En effet, ce sujet politiquement sensible n’a que peu été traité par les artistes hexagonaux, mais Ginotti, étranger, a pu y dédier un buste en raison de son plus grand détachement envers la politique française.
Le Musée d’Orsay a acquis cette œuvre avec comme mécène Lavazza, la célèbre entreprise de café. Créée en 1895, cette entreprise familiale est originaire de Turin — et c’est dans cette ville qu’a été coulé en 1887 le bronze de la statue de Giacomo Ginotti. Francesca Lavazza, membre du Conseil d’Administration du groupe Lavazza, et Christophe Leribault, Président des musées d’Orsay et de l’Orangerie, rappellent la densité des liens qui relient l’Italie et la France dans le domaine artistique. En effet, au Musée d’Orsay, les visiteurs italiens sont la deuxième plus grande communauté étrangère. Lavazza souhaite s’engager dans une politique de promotion des arts et de la culture, dans la juste lignée de l’histoire du groupe : le grand-père de Francesca Lavazza faisait partie du cercle des artistes de Turin, et celle-ci préside le Castello di Rivoli, le musée d’art contemporain de Turin. D’autre part, la France est le deuxième plus gros consommateur de café Lavazza, derrière l’Italie. Il semble ainsi naturel que cette association franco-italienne se cristallise autour d’un buste italien dépeignant un pan de l’histoire française.
Inspirée de l’œuvre Pourquoi naître esclave ? de Jean-Baptiste Carpeaux, La Pétroleuse vaincue représente une femme ligotée à l’expression à la fois défiante et apeurée. Ses traits comportent un certain réalisme qui contraste avec les visages idéalisés des sculpteurs français de l’époque. En effet, l’artiste italien prend part au mouvement Verismo, qui vise à décrire la réalité sociale quotidienne. C’est peut-être ce parti pris réaliste qui permet aux visiteurs du Musée d’Orsay, à travers le buste de Ginotti, de saisir l’importance politique et sociale de la Commune de Paris.
Marie Agassant