À la plume, au pinceau, au crayon.

Dessins du Monde Arabe.

La mutation se produit le plus souvent dans cette zone indéterminée où la calligraphie arabe, où le signe, sensiblement (bien qu’insensiblement) se transforme et se libère du texte pour devenir …  image.

Le glissement s’opère dans cette zone-temps qu’Henri Michaux a jadis explorée, ce lieu, ce moment où le signe alphabétique abandonne le texte, abandonne le sens du texte, pour chercher le sien propre.

Le miracle a lieu sur la ligne de crête où l’artiste prend le relais du scribe, quand la page manuscrite donne naissance, sans toujours disparaître, à l’œuvre d’art, quand le signe entre en transe et devient arabesque, volute, frise, entrelacs, résille, fourmillement, tache, éclaboussure, giclure pour nous inviter à une autre lecture, pour nous révéler des sens inattendus et entrer par effraction dans d’autres cultures et explorer d’autres routes.

Pour subvertie qu’elle soit, la graphie de l’écrivain murmure toujours sous les créations des artistes contemporains (certains montrés pour la première fois) aussi folles que soient leurs œuvres, aussi riches que soient leurs compositions, aussi éloignées qu’elles soient en apparence de leur origine textuelle.

La déambulation sur les quatre niveaux de l’Institut du Monde Arabe

permet, d’un buste en albâtre du XIème siècle à une figure du XVIème en passant par les manuscrits enluminés et les objets du quotidien de toutes les époques, de tenir le fil qui relie les artisans et les artistes de ces temps premiers à ceux qui, aujourd’hui, dérangent par leur audace, par la distance qu’ils imposent entre eux et la  brillante culture dans laquelle, malgré tout, ils enracinent leur travail.

La déambulation dans l’exposition À la plume, au pinceau, au crayon permet de mesurer le chemin parcouru par cette création arabe qui, sans jamais se renier, a su regarder au loin, prendre des leçons ailleurs, se risquer au grand large et, comme le fleuve Alphée, remonter sur une autre rive pour y créer une nouvelle source.

Dans la partie – images – de cette chronique que montrer ?

L’exposition de l’IMA pose au chroniqueur un problème insoluble par son ampleur, sa diversité et le nombre des oeuvres et des objets proposés.

Chaque œuvre, chaque objet vaut pour lui-même sans être nécessairement représentatif d’un mouvement ou d’une série. Comment choisir ? Quel objet, quelle peinture, quel dessin (dans les deux sens du terme) ne pas montrer ?

Le mieux c’est d’aller voir pour vous rendre compte par vous-même.

Pierre Vauconsant

Jusqu’au 15 septembre 2019

Institut du Monde Arabe

1, rue des Fossés-Saint-Bernard,

Place Mohammed-V

75005 Paris

du mardi au vendredi de 10h à 18h, et le week-end de 10h à 20h.