« Arts et Préhistoire » expose l’art des cavernes au Musée de l’Homme

Quand la paroi inspire l’artiste

« Il n’y a pas de passé ni d’avenir en art » (Picasso)

Situées dans l’aile Passy du palais de Chaillot, les collections du Musée de l’Homme mettent en avant les plus riches collections en matière d’anthropologie et de paléontologie. La science de la préhistoire a été ponctuée d’événements fondateurs, comme les découvertes d’Altamira (Espagne) en 1878, de Lascaux en 1940, de Chauvet en 1994, de Sulawesi (Indonésie) en 2017 qui ont bouclé les connaissances. Malgré les effets dévastateurs de leur ouverture au monde, leurs reconstitutions permettent aujourd’hui aux amateurs d’accéder à ce patrimoine de l’humanité.

Dans l’exposition « Arts et préhistoire« , une centaine d’œuvres, issues des riches collections du Musée de l’Homme mais aussi prêtées par des institutions européennes, sont réunies pour la première fois et présentées par thèmes dans la première partie de l’exposition. Des objets fascinants qui nous propulsent dans un vertigineux passé. Ainsi, la Vénus de Lespugue, incontournable icône de la muse éternelle, s’affiche au musée parmi la dizaine de figurines féminines sculptées qui y sont exposées dans des styles différents.

La seconde partie de l’exposition dresse un panorama mondial de l’art pariétal et rupestre. Des Amériques à la Chine, de l’Afrique à l’Australie, elle propose une multitude d’images au pouvoir de séduction intact et au message souvent mystérieux. C’est cette universalité et cette diversité que l’exposition s’attache à montrer, au-delà des images bien connues des grottes de Lascaux et Chauvet. Ces œuvres de l’art des cavernes ne pouvant, par nature, être déplacées, l’exposition prend le parti scénographie de l’évocation, au moyen d’images (vidéos, photos, projections, projections lumineuses, animations…) que révèlent ces créations. Un important corpus pédagogique est présenté, structuré par thèmes : le lien qui unit les œuvres à leur environnement naturel, l’universalité des motifs de cette production artistique mondiale, l’incroyable richesse des techniques utilisées, et l’existence de styles artistiques, transmis et partagés par des groupes.

« Le foisonnement d’images qui constitue l’art paléolithique, avec sa pluralité d’expressions, de formes et de combinaisons graphiques, doit s’interpréter avec prudence », nous avertit notre guide Eric Robert, préhistorien, maître de conférences au Muséum national d’histoire naturelle, commissaire scientifique de l’exposition.

La beauté du quotidien de l’homme des cavernes

En parcourant cette partie de l’exposition, le point de vue du visiteur progresse petit à petit : il se place d’abord à l’échelle de la Terre, avec un dispositif montrant les implantations de sites sur tous les continents. Il est ensuite entrainé dans un voyage vers les sites ornés indonésiens, portugais, colombiens ou chinois, à travers des prises de vues aériennes, précisées pour certaines à l’occasion de l’exposition. Puis le point de vue se resserre : l’exposition guide le regard curieux du chaland fasciné vers un corpus d’œuvres phares ; l’amène à se focaliser sur les spécificités des styles ; à décrypter une oeuvre chose et enfin, dans un ultime mouvement de zoom, à observer les petits détails du tracé de la jambe d’un cheval.

Les œuvres phares sont présentées sur une installation audiovisuelle grand format qui immerge le public dans un foisonnement d’images, poétique et surprenant.  Vidéo projetée sur des facettes inclinées évoquant une paroi imaginaire, ces images émerveillent par leur force, leur diversité et par la grande liberté de leurs styles artistiques. Au-delà des frontières temporelles ou géographiques, ces œuvres d’art réunies semblent ici faire oeuvre commune.

« Les artistes paléolithiques nous donnent à voir des images qui sont toujours des visions personnelles (ou collectives ?) des animaux », Patrick Paillet, préhistorien, commissaire de l’exposition au Muséum national.

Elles sont présentées par typologies de motifs, illustrant les grands thèmes de l’art préhistorique : les animaux (une faune diverse, peuplée aussi bien de girafes, d’éléphants, de baleines, de bisons ou de mammouths) ; les signes géométriques (points, traits, lignes, cercles ou triangles), isolés ou associés à des représentations figuratives qui restent indéchiffrables. Sans oublier les figures humaines, rares, sous forme de silhouettes entières ou de parties du corps ; et enfin, les empreintes de mains, positives ou négatives.

En jouant sur les modes d’apparition des figures, sur les effets de nombre, des rapprochements se dessinent, donnant à voir la similarité ou la diversité de traitement d’un même thème, soulignant le trésor exceptionnel de certains sujets qui ont inspiré l’artiste des cavernes.

« L’art préhistorique n’a jamais été aussi contemporain. Discipline née des découvertes archéologiques faites à partir du XIXe siècle, l’étude des périodes anciennes fascine toujours. La saison « Arts et Préhistoire », propose une plongée au cœur des chefs d’œuvres préhistoriques tout en apportant le regard contemporain des artistes de notre temps », Aurélie Clemente-Ruiz, directrice du Musée de l’Homme.

Cette ambitieuse exposition offre une opportunité unique de voyager dans le passé à la rencontre des merveilleux artistes que furent nos ancêtres. Un regard neuf et enthousiaste sur les pratiques artistiques, de la Préhistoire… jusqu’à nos jours.

Traversez sans faiblir les 2500m2 de la Galerie de l’Homme et avancez dans le temps. Pour dynamiser leurs créations et créer des effets de perspectives, les artistes de la Préhistoire ont exploité les matières et les formes naturelles (concavités, convexités, fissures, angles) des parois.

Quatre œuvres d’art, sélectionnées pour illustrer le lien fort qui unité oeuvre et paroi, sont recrées dans l’exposition par vidéo-projection sur des supports en volume, simulant les surfaces originales : l’image apparaît progressivement, mettant en scène la façon dont l’artiste s’est servi des creux et des volumes de sa paroi. Ainsi, l’Humanité se démarque singulièrement non pas tant par son anatomie mais parce qu’elle se pense et pense le monde, tout en ayant conscience du temps et de la mort. Appréhender son unité, c’est comprendre que chacun fait partie d’un groupe qui le construit et le marque socialement. Avec à la clef, une diversité des cultures, des sociétés et des êtres. L’histoire/ Préhistoire devient alors contemporaine devant nos yeux fascinés.

Christian Duteil

Visuels : MNHM, JC Domenech, Nicolas Naudinot, Gabriel Sobin

du 16 novembre 2022 au 22 mai 2023

Musée de l’Homme, 17 place du Trocadéro, 75016 Paris

Ouvert tous les jours de 11 h à 19 h – sauf le mardi – fermé le 1er janvier, le 1er mai, le 14 juillet et le 25 décembre.