Balloon Museum X Grand Palais : Une monumentale euphorie artistique

Du 6 juin au 7 septembre 2025, le Balloon Museum, créé en Italie en 2021, investit la majestueuse structure du Grand Palais. À la suite de Barcelone, Berlin, Rome et Singapour, ce musée itinérant dédié à l’art gonflable revient à Paris pour la deuxième fois. Après Pop Air à la Grande Halle de la Villette en 2022, il présente aujourd’hui Euphoria : Art is in the Air, une exposition interactive où petits et grands deviennent acteurs, en expérimentant physiquement les œuvres.

Imaginée par les équipes de Lux Entertainment et dirigée par les commissaires Valentino Catricalà, Antonella Di Lullo et Francesco Dobrovich, cette édition réunit près de vingt artistes internationaux qui investissent 5 000 m², redessinant les frontières entre art et design gonflables.

L’exposition débute en apesanteur. Philippe Parreno déploie Speech Bubbles, des centaines de ballons en forme de phylactères flottant au plafond comme des nuages orangés. Une suspension silencieuse, une méditation sur le langage et une bulle de réflexion suspendue entre réel et imaginaire. Dans la même respiration, My Room is Another Fishbowl transforme un white cube en aquarium onirique, où voguent des poissons volants que l’on caresse du bout des doigts. Le geste interdit dans les musées devient ici une porte d’entrée vers l’art-expérience

Karina Smigla-Bobinski nous invite à plonger dans Kaleidoscope, installation tactile où de grandes tables lumineuses présentent des encres de couleurs changeantes. Au contact de la peau, elles s’étirent, fusionnent, se déforment : un miroir de nos émotions. Une œuvre conçue pour engager tout le corps, et convoquer la mémoire sensorielle.

Puis la pulsation s’accélère. Le duo italien MOTOREFISICO présente Swing, une installation de sphères suspendues baignée d’une atmosphère techno. Les visiteurs sont invités à impulser le mouvement, à propulser ces boules géantes les unes contre les autres. Une partition chorégraphique se dessine dans l’air, entre confiance, énergie, déséquilibre et surprise.

 La dynamique se prolonge avec Invisible Ballet de Mauro Pace, qui immerge le visiteur dans une tornade douce, où des particules gonflables de tailles variées tourbillonnent dans un vent réel. Le rythme se suspend, et nous entrons dans un couloir noir, respirant. Nils Völker orchestre un ballet silencieux de 125 sacs-poubelle noirs qui se gonflent et se dégonflent au rythme de 480 ventilateurs. L’air devient matière, le plastique devient peau.

Un battement de cœur résonne plus loin. Rafael Lozano-Hemmer propose Pulse Topology, installation immersive où des milliers d’ampoules suspendues s’allument au rythme cardiaque des visiteurs précédents. Chacune devient trace, mémoire, pulsation collective. Une constellation de vies reliées par la lumière, un memento mori contemporain d’une puissance subtile. Puis vient le printemps.

 A.A. Murakami, duo britannico-japonais, installe New Springs, un arbre technologique diffusant des bulles éphémères remplies de brume. À peine tombées au sol, elles disparaissent. Hommage au cerisier en fleur, symbole du renouveau au Japon, ces bulles rendent visible la fragilité du temps et la beauté de l’instant.Alex Schweder explore quant à lui les métamorphoses du sentiment amoureux avec The Me That Becomes Through You. Une cage en acier abrite des structures gonflables, remplies d’air au rythme d’une composition sonore signée Nick Dunston.

SpY compose avec Ovoids une danse de huit formes rouges tournant en boucle sur un axe. En filigrane, le cycle de la vie. Plus loin, Crazy Love for Polygons érige une forêt de cubes gonflables que l’on peut déplacer à sa guise. Le public devient architecte d’un chaos organisé, explorant les tensions entre l’ordre mathématique et la vitalité organique. Aussi, Martin Creed, avec Work No. 3. 3883 : Half the Air in a Given Space, nous propulse dans une maison remplie de ballons. L’air devient mur, plafond, obstacle. Depuis 1998, cette œuvre voyage et transforme les corps en enfants désorientés, joueurs, redevenus sensibles à la matière invisible.

Hyperstudio, enfin, signe plusieurs œuvres monumentales, dont 10 Agosto, réminiscence de la Nuit de San Lorenzo.Des étoiles lumineuses dansent dans le ciel d’une salle obscure, suspendues dans un flux sonore onirique. La sensation d’une nuit d’été éternelle. En collaboration avec Roman Hill, le collectif présente aussi Hyperstellar, une piscine de boules noires évoquant un cosmos domestique. Allongé dans ce bassin céleste, le regard se perd vers un anneau de LED circulaire projetant des images d’étoiles, de nébuleuses, de galaxies lointaines.

Et puis, dehors, la poésie continue. Paola Pivi installe une immense échelle gonflée face à la façade du Grand Palais. Untitled (project for Echigo-Tsumari) questionne nos repères spatiaux avec humour : une échelle pour franchir l’échelle du lieu, une intervention absurde à l’élégance surréaliste. Sun Yitian, de son côté, érige une forêt de cactus gonflables, lisses et colorés. Une nature factice à enlacer, comme on retrouve un jouet d’enfance oublié. Le plastique devient refuge, le volume un souvenir tendre.

Camille Walala nous entraîne dans un labyrinthe vibrant intitulé Follow Me, I Think I Know the Way, clin d’œil graphique à Alice et son lapin blanc. Colonnes obliques, tunnels noirs et blancs, sphères perchées sur triangles vacillants : tout tangue joyeusement. L’œuvre propose aussi des bancs secrets, des points d’observation : une invitation à la contemplation ludique. Walala y concrétise son vœu de « prendre la joie au sérieux ».

(Euphoria26)

Entre deux œuvres, Ryan Gander sème des sphères gonflables marquées de phrases étranges : « Is there froth on a daydream ? ». Ces aphorismes absurdes agissent comme des souffles philosophiques, laissant au visiteur le soin d’y projeter ses doutes, ses sourires, ses réflexions.

Euphoria transforme l’art en une expérience sensorielle à la croisée des mondes oniriques et des esthétiques pop des années 1960. Le Grand Palais, qui accueillait en 1909 le premier Salon international de l’aéronautique, redevient un havre de légèreté, de l’expérimentation et de la joie partagée. Ce vaste terrain de jeu culturel s’inscrit dans une programmation estivale plus large : Grand Palais d’été. L’institution embrasse ainsi pleinement les ambitions du « musée du XXIe siècle » : vivant, inclusif, pluriel, où l’expérience culturelle devient partagée, festive et sensorielle.

Candice Guettey

Du 6 juin au 7 septembre 2025

Le Grand-Palais, 17 avenue du Général Eisenhower, 75008 Paris.

Pour les horaires, consulter : https://balloonmuseum.world/faq-euphoria/