La Fondation ARP présente Esprit d’Atelier, vivre et créer, une nouvelle exposition sous le commissariat de Mirela Ionesco, Chiara Jaeger et Sébastien Tardy qui explore le quotidien créatif du couple ARP-TAEUBER.
Créée en 1978, la fondation se compose de deux étages et trois ateliers, surfaces qui ont été totalement investies par le projet.
Il s’agit de montrer la spécificité d’un espace comme celui-ci, à la fois lieu de vie et de création, comparé à d’autres ateliers. Cette conjonction du quotidien à la pratique artistique est en outre explorée à travers non pas la vie d’un seul artiste, mais de deux ce qui donne lieu à une double répartition des surfaces permettant d’évoquer l’influence réciproque des époux.
Dès le rez de chaussée, un plan détaille la construction de la maison, dont le terrain a été acheté en 1926 et les travaux ont débuté l’année suivante.
Une comparaison est donc possible entre les plans d’origine et la réalisation finale, notamment en termes d’agencement de cloisons et façades.
Plans, coupes, témoignent d’un véritable geste artistique dans la conception de cette maison dont la disposition pourrait être retranscrite sur gouache et donner lieu à un jeu de couleur intéressant.
Dessinée par Sophie Taeuber, la demeure manifeste l’importance accordée à l’art au sein de la vie quotidienne, considéré comme un moyen d’élever l’intellect.
Des objets fonctionnels sont en effet mis en valeur esthétiquement, tels que des caissons de stockage peints. Une telle démarche de poétisation du prosaïque n’est pas sans rappeler les poèmes de Ponge, dont “Le Cageot” justement !
“A mi-chemin de la cage au cachot, la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie vouée au transport de ces fruits qui de la moindre suffocation font à coup sûr une maladie” (Le Parti pris des choses)
Le lieu, devenu emblématique, se fait pari artistique de l’art au quotidien, espace de foisonnement et d’essai ou le défi à été de rendre à chacun son atelier de départ tout en donnant à voir la fructuosité de cette collocation artistique.
L’important escalier reliant le 1er au 2ème étage a été laissé dégagé et met en avant la fluidité de cette structure, où tout communique, et où les idées et personnes circulent en permanence.
Différentes œuvres évoquent d’ailleurs cette multiplication des idées dont les constellations.
Les petites formes se déclinant sur les murs apparaissent comme un catalogue d’aquarelles que l’on retrouve d’ailleurs en grands formats sculptés dans le jardin.
On remarque donc des familles de thématiques et de formes transposées sur différents supports. Gouache, chromas, reliefs composent l’apparat d’une danse.
Cette navigation entre les techniques et transposition sur différents supports illustre avec force le mouvement DADA, dont l’objectif était de construire une nouvelle génération artistique par un jeu avec les convenances.
Le travail du plâtre, notamment du moule autour de sa pièce sans armature interne, témoigne en effet d’un rapport spécifique au premier jet, celui d’une réinvention à partir de ses propres formes.
C’est donc un véritable art de la composition qui nous est présenté, à travers des structures symétriques mais également des effets de surprise par des contrastes de couleur notamment.
L’influence de la danse n’est pas minime ; l’ampleur du mouvement permet d’évoquer une ligne directrice avec une vivacité qui donne l’impression d’une bande dessinée.
Cette discipline se présente en effet comme une clé de compréhension du travail de Sophie Taeuber en particulier, et éclaire sa façon de penser le mouvement dans la géométrie.
La tenue ci-dessus témoigne par exemple du caractère innovant de son approche stylistique : le pantalon de costume aborde une coupe moderne que renforce l’effet de patchwork.
Il en va de même pour le bureau placé à l’étage dont l’originalité artistique tient à l’utilisation d’un bois assez chic, fonctionnel et résistant car recouvert de laque DUCO, habituellement utilisée en carrosserie !
Le reste du mobilier épouse cette architecture modulaire et matérialise donc son éthique d’adaptation au lieu et aux besoins.
On peut également observer différents carnets d’esquisse qui proposent une progression vers des éléments naturalistes plus abstraits.
Le parcours à l’étage se clôt par une salle assez inédite qui résume parfaitement l’esprit de l’exposition, l’histoire d’une influence créatrice réciproque, d’un quatre mains artistique.
Est en effet exposée une monographie de Sophie Arp-Taeuber à propos de son mari avec de nombreux livres de leur bibliothèque recouverts d’une couverture ornée.
“ De l’inexplicable, du divin, du fait que je me réveille, que je bouge, agis, pense, que je vis, naît la poésie, le dessin la sculpture, l’écriture, les lignes, les plans, le choix des couleurs, des formes, des fleurs, des pierres, le choix des fragments de pierres, d’un regard, d’une démarche, d’une silhouette, d’une figure humaine, d’une figure de nuage.” Jean ARP, Jours effeuillés
Il est possible de prolonger l’exposition en découvrant les sculptures exposées dans les ateliers au fond du jardin.
Ce long parcours offre ainsi un témoignage exhaustif et passionnant de l’implantation Art-Taeuber dans le paysage artistique parisien. En outre, ce lieu singulier excède la fondation pour se faire centre de recherche autour de cette collaboration dont l’inspiration est toujours perceptible …
Joséphine Renart
Jusqu’au 24 novembre 2024
Fondation Arp, 21 Rue des Châtaigniers, 92140 Clamart
La visite de la Fondation Arp a lieu à horaires fixes, sans réservation : vendredi 14h30, 16h00 ; samedi 14h30, 15h30, 16h30 ; dimanche 14h30, 15h30, 16h30 ; fermeture à 18h