Au travers de ses baies vitrées, la Fondation Pernod Ricard nous plonge dans l’urbanisme, écrin idéal pour l’art de Florence Jung. Une vue sur les quais de la gare Saint-Lazare laisse deviner les flux journaliers de travailleurs se déplaçant entre domicile et travail, aux heures de pointe, mouvements symboliques de l’inconscient collectif que l’artiste conceptuelle met en lumière.
L’exposition de Florence Jung nous renvoie au vide, à notre absence d’intérêt et d’attention pour la vie cachée qui nous entoure. Elle nous contraint à questionner notre environnement, à imaginer les rouages et respirations d’un monde imperceptible.
Un parcours de huit situations scriptées nous transforme en observateurs de faits et gestes du quotidien que nous ne voyons pas, ne voyons plus ou n’avons même jamais imaginé. Florence Jung cherche à éveiller la sensibilité du spectateur au futile et à l’utile que nous ne ressentons jamais.
H : « Une personne est enfermée derrière cette porte »
D : « Le personnel d’entretien qui nettoie habituellement ce sol ne le fait plus »
L’ampleur du vide rappelle l’œuvre d’Yves Klein
Cette démarche rappelle celle de l’artiste Yves Klein, célèbre pour son œuvre « Le Vide » (1958), où il a exposé une salle complètement vide, avec des murs simplement peints en blanc, mettant en avant l’absence comme une forme d’art.
Dans une logique en contrepied mais tout aussi provocatrice, deux ans plus tard, en 1960, l’artiste Arman remplissait la même galerie de 36 mètres cubes de déchets. Le plein matériel d’Arman répondait au vide, ou plutôt au plein immatériel, d’Yves Klein.
Avec leur mise en scène de la quête de l’invisible, Jung et Klein incarnent une vision commune : l’art ne s’arrête pas à ce que l’on peut voir, il s’immisce aussi dans ce que l’on ressent et imagine.
Et quand l’art souligne l’ampleur du vide, il interroge. Entre l’hermétisme du dedans et du dehors, un quotidien qui passe inaperçu et un vide déconcertant, l’exposition nous met face à notre rythme et notre insignifiance. Elle force notre regard sur l’invisible qui fait partie du quotidien. Dans une ère de trop plein, un monde saturé d’images et d’information, nous appeler à nous concentrer sur l’absence est audacieux.
Entre le vide de sens et le sens du vide, il n’y a que quelques pas mais il est à parier que tous les visiteurs ne les franchiront pas.
Béatrice Huou
Du 19 Novembre 2024 au 11 Février 2025
Fondation Pernod Ricard, 1 Cours Paul Ricard, 75008 Paris
Entrée Libre – Du mardi au samedi de 11h à 19h00, Nocturne le mercredi jusqu’à 21h, Le lundi sur rendez-vous – Visites guidées les mercredis à 12h et les samedis à 12h et 16h