Fluxus fête ses 60 ans à la Fondation du doute à Blois

La Fondation du Doute, inaugurée en 2013, fait office de quartier général du mouvement Fluxus. À l’occasion des 60 ans de celui-ci, le centre artistique héberge une exposition temporaire « L’ego est indestructible », de Ben Vautier, artiste emblématique du mouvement, qu’il définit davantage comme « un état d’esprit ». Nous sommes d’ailleurs accueillis par une de ses créations, le « Mur du doute », une installation gigantesque qui orne la façade de la Fondation.

Fluxus, né en 1962, rassemble des artistes de tout genre, valorise des performances transdisciplinaires, et plante les bases de l’art contemporain : le but de l’art n’est plus la beauté, mais un discours sur l’art lui-même. Qu’est-ce que l’art ? Qu’est-ce qui est art et qu’est-ce qui n’est pas art ? Le mouvement Fluxus s’extrait des définitions traditionnelles et des conceptions institutionnelles de l’art, pour le replacer au cœur de la vie. En témoigne la marchandisation à grande échelle des œuvres de Ben, notamment ses écritures sur des fournitures scolaires, qui fait entrer l’art contemporain dans la société de consommation à moindre prix.

La collection principale de la Fondation, qui relate les fondements du mouvement Fluxus, a notamment pour effet de changer le regard que l’on porte sur les objets du quotidien. Daniel Spoerri fait ainsi de ses dîners des tableaux, tandis que Wolf Vostell transforme le vacarme de dizaines de portes de voitures arrachées en installation.

Ce que Ben appelle le « petit coin » qui lui est dédié est une accumulation d’objets et de ses célèbres aphorismes. Il balaye les compliments d’un geste de la main, et assène que tout cela ne sont que des « bêtises sans importance » dont il remplit l’espace en raison de sa peur du vide.

L’artiste résolument provocateur nous mène ensuite au pavillon d’exposition pour nous présenter « L’ego est indestructible ». On est un peu surpris par le vide de la pièce, dont Ben nous disait pourtant qu’il avait peur. Quelques aphorismes sont accrochés çà et là, résumant les grandes questions que Ben se pose sur l’art. Le public est également invité, dans une intéressante expérience participative, à écrire ses propres questionnements sur des feuilles de papier, qui seront ensuite accrochées aux murs.

Heureusement, la personnalité de l’artiste remplit la pièce à elle toute seule. Celui-ci explique qu’il est impossible de créer sans ego, car sans ego il n’y a pas de style, et que c’est à cause de son ego qu’il n’arrive pas à arrêter de créer, malgré son âge avancé — 87 ans ! Mais alors, si Ben Vautier s’est toujours placé à l’avant-garde de la réflexion artistique, est-il toujours pertinent dans sa subversion de la « bien pensance » sociétale ? En s’écriant, hilare, « Vive le harcèlement sexuel ! », et en reprochant aux femmes de porter plainte lorsque les hommes « les aiment trop », porte-t-il un message de renouveau, ou se terre-t-il dans de vieilles conceptions misogynes ?

Marie Agassant

du 24 septembre au 27 novembre 2022

La Fondation du Doute, 14 rue de la Paix, 41000 Blois

Ouvert du mercredi au dimanche, de 14h à 18h30