Le Fonds régional pour les talents émergents est un dispositif créé par la Région Ile de France doté de 1M€ par an. FoRTE vient en aide financièrement aux jeunes artistes et créateurs en voie de professionnalisation, leur permettant de créer leur première œuvre et de se faire connaitre, avec un accompagnement par une structure professionnelle, artistique ou culturelle. L’aide régionale accordée aux jeunes créateurs sous forme de bourse peut aller jusqu’à 2 500 € par mois, pour une durée maximale de 10 mois.
FoRTE se concrétise par un appel à projets annuel à l’intention de jeunes artistes de 18 à 30 ans diplômés ou ayant suivi une formation qualifiante dans les disciplines suivantes : arts visuels, cinéma et audiovisuel, musique, arts de la scène.
Pour cette 3e édition FoRTE, 4 jurys d’experts, un par discipline, ont sélectionné 52 projets lauréats sur les 186 candidatures reçues : 7 pour les Arts visuels (avec pour jury Jean Spiri, conseiller régional, Bernard Blistène, ancien patron du Musée national d’art moderne, Chantal Crousel, galeriste, Claire Le Restif, directeur du CREDAC, Marjane Satrapi, réalisatrice), 11 pour le Cinéma et l’audiovisuel, 17 pour la Musique et autant pour les Arts de la scène.
Les 24 heures de la création : cinéma et audiovisuel, musique, arts de la scène.
La soirée événement organisée le 19 novembre dernier au Centre Pompidou a été l’occasion pour les artistes de faire vivre leurs œuvres face au public et de prendre contact avec les professionnels de la culture invités par la Région Île-de-France. Elle a présenté une sélection de performances artistiques, des extraits de spectacle et des séquences vidéo.
Dans le temps imparti à chacun, il était difficile de montrer l’intégralité du projet de chaque lauréat. Certains plus aboutis que d’autres ou manque de candidats dans certaines catégories ?
Le programme comportait donc uniquement des extraits : Chansons de Alysce ; Court métrage Municipale de Thomas Paulot ; pièce L’Aiglon de Maryse Estier ; Prise de parole de Léo Margue et diffusion de la captation de son projet ; Performance de 3 danseurs avec les drones de Veronika Akopova ; Lecture d’un scenario de Hannah Levin ; Performance musicale de Helma TBC ; Performance musicale de Santiago
« Let’s rock the arts » : adagio chez Fiminco, la Région en fortissimo !
Les œuvres interrogent. Le savoir, la transmission, l’injustice, les migrations, les excès ou les miracles de la technologie. C’est la Fondation Fiminco qui accueille les réalisations des 7 lauréats « Arts visuels ». Avec Fiminco, détecteur de talents, c’est toujours bien ; on imagine déjà les artistes dans quelques années sur le marché, en galerie, dans les foires ou plus intéressant, dans les musées.
Jeanne Berdineau Aubry, prix jeune création fondation Bernar Venet, résidente à la Villa Medicis, etc. prend part à des projets d’exposition audacieux notamment à la Friche La belle de Mai ou au Salon de Montrouge. Elle développe une œuvre expérimentale autour de sculpture et d’installations où l’étude de la matière et de ses distorsions occupe une place fondamentale. Le plus court chemin est un projet de recherche portant sur la dynamique des fluides et sur le déplacement spontané de la matière, comme l’eau ou le courant électrique. Elle teste la capacité de la haute tension électrique (18 000 volts) à irradier la matière, pour produire de la lumière colorée (bleue ou rouge), selon la qualité du gaz noble mis sous pression dans chaque enceinte de verre. Des sculptures aux formes translucides, hybrides de ballons, fioles et erlenmeyers, laissent ainsi apparaitre un flux de lumière au cours sinueux, dont les jeux d’ondulation, de densité ou de couleur donnent à voir le comportement instable de la matière. C’est un rappel au travail très aboutit de Paul Créange retrouvé chez Guido Romero Pierini et surtout de Gaétan Robillard qui explore le champ artistique et théorique de l’esthétique générative des années soixante-dix. It Art Bag dévoile 3 réalisations de 3 artistes.
Ismail Alaoui Fdili, plasticien et réalisateur, diplômé de l’ENSAPC, dont on parlait dans un article précédant au sujet du musée d’art et d’histoire de l’Isle Adam, participe à Felicita aux Beaux-arts de Paris en 2019. Il rejoint la section réalisation de l’école Kourtrajmé sous la direction de Ladj Ly. Résident des Ateliers Médicis et de la fondation Fiminco, ses films ont fait des déchèteries et des parkings, leur lieu de prédilection. L’artiste y dialogue avec des personnes marginalisées et des métiers déconsidérés. Ismail a réalisé 3 courts-métrages documentaires aussi riches en son qu’en couleur qui brillent comme un conte fantastique qui surgirait de l’Atlantide et qui se serait réparti tout autour de la planète appelés Tales from jennat Mikka. A Manille, Dakar ou Marrakech, Ismail valorise le déchet mais aussi les gens qui vivent de ces métiers alternatifs tels que guetteur (si c’est un métier), gardien de voitures, etc. Son installation « Coque de téléphone » est une ode à ces déchets qui sont souvent l’unique possibilité de survivance de tant de personnes démunies de tout. Ironie de La COP22 au Maroc, la ville de Marrakech a construit une magnifique déchèterie aux normes Union Européenne, soustrayant tant de « travailleurs » de leur gagne-pain quotidien. L’esthétique de l’image relève l’indicible et effarante réalité et le son de la vidéo met le spectateur au cœur de l’action, posant un regard poétique sur les individus touchés par ce syndrome et sur leur espace domestique devenu insalubre : quelle pulsion les pousse à « thésauriser » tout ce qu’ils trouvent ? Quel rapport affectif tissent-ils avec les objets qu’ils glanent, dans un monde marqué par la surconsommation et la frénésie permanente ? Ismail interroge la place de l’objet usé ou à usage unique, au sein d’une société habitée par la peur du manque ? Cette société, c’est la nôtre non ?
Feda Wardak est architecte-constructeur-déconstructeur qui fait de la recherche en architecture sur les espaces politiques. Mieux compris dans le milieu de l’art contemporain que celui des architectes (seraient-ils bouchés ?), Feda est cofondateur de la plateforme Aman Iwan. Il s’intéresse au développement de certaines populations, indépendamment de l’aide des pouvoirs publics. Un vrai libéral ? Ses projets s’incarnent sous différents aspects : workshop pendant la Biennale de Venise 2018, installations au MacVal ou au Franc Grand Large-Haut de France. En dessous la Forêt vise à édifier au cœur de la forêt de Bondy (en son temps si giboyeuse et plaisir des monarques capétiens et valoisiens), une œuvre architecturale comme support d’une création chorégraphique. Cette installation présente une immense façade qui s’élance au milieu d’une futaie de sapins, faite d’horizontales et de verticales répétées, calquée sur la trame orthonormée (système de coordonnées dont les axes se coupent à angle droit et dont les vecteurs unitaires sont de même longueur), des grands ensembles urbains de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil. Leurs tours de béton, incohérences politiques font désormais face aux grands chênes et témoignent de l’urbanisation insolente qui a bouleversé écosystème et habitat. Depuis, la lisière de la forêt est devenue une zone tampon, un refuge pour des corps marginalisés, un espace où de nouvelles formes d’organisation ou de résistance se créent. Les gamins des alentours ont t l’habitude de jouer dans ces espaces « Habiter » et éprouver ces espaces sylvestres pendant deux ans a permis une compréhension fine des récits, des mythes et des légendes qui font l’histoire de cette forêt et de ceux qui l’habitent. Ceci aboutit à une œuvre chorégraphique mise en scène par Romain Rampillon, avec le danseur Jean-Yves Phuong qui raconte l’histoire d’un chantier en cours, de l’effacement de la forêt mais aussi la manière dont les altercations structurelles et spatiales impactent corps et déplacements. Le paysage est encore mis à parti (comme à l’Isle Adam) et convoque aussi les écologies sociales et politiques. L’urbanisme à outrance apparait comme une défragmentation de la société. Dont les constructeurs deviennent les interprètes.
Il s’agit avant tout d’un projet économique et non social. Qu’il y a-t-il derrière ces palissades ? Des enjeux politiques ? Feda refuse de réparer là où le politique échoue. Cette relation avec la forêt insiste sur la compréhension de l’éphémère. Tout comme le fut la Cité des 4000. Ainsi l’œuvre fut déconstruite. Il le fallait. « Ashes to ashes », tout n’est que poussière ?
Pour permettre à cette formidable initiative d’être plus largement connue, une diffusion ciblée auprès des jeunes créateurs serait plus que souhaitable…
Philippe de Boucaud et Véronique Grange-Spahis
Du 4 au 18 décembre 2021
La Chaufferie – Fondation Fiminco, 43 rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville
Du mardi au samedi de 14h à 18h – Entrée gratuite