Gustav Klimt à l’atelier des lumières.

Gustav Klimt à l’atelier des lumières.

Faites « Sécession »

Psychorigides coincés, grognons opiniâtres, puristes ronchons de l’art avec un grand A, fendez l’armure, renoncez pour cette fois à vos principes, à votre exigence à œillères et laissez-vous emporter dans le flot des lunules et des ocelles lumineuses qui ruissellent le long des murs, inondent le sol et constellent les visiteurs de paillettes et de motifs empruntés à l’éblouissante palette du Viennois.

Certes ce n’est pas là une exposition de peinture, la pénultième mostra des tableaux de Klimt.  On n’y voit pas ses tableaux accrochés, alignés sagement sur une cimaise mais on est sous l’effet d’un enchantement au sens où on l’entendait dans la forêt de Brocéliande.
C’est pure magie. C’est un divertissement. C’est de l’entertainement comme l’on dit en Français.

Il faut se laisser aller, se laisser submerger, blackbouler dans le flux et le reflux des images, dans ce tourbillon de lumières, dans cette valse lente de couleurs dans cet alluvionnement de formes et d’icônes, dans une vague toujours recommencée poussée à l’assaut des murs par les puissants staccatos de la neuvième ou les sonorités de Wagner et de Malher après que Johan Strauss ait fait tourbillonner au sol et sur les murs les élégantes de la capitale austro-hongroise.

Ne pas résister, ne pas se raidir mais au contraire accepter l’immersion totale dans les profondeurs devenues abyssales de l’œuvre de Klimt, dans son monde habité par de superbes créatures nues ou habillées de robes scintillantes, écrins d’ors, de pierreries et de strass, diaprures éclatantes qui ne parviennent pas à masquer l’infinie tristesse des regards, la mélancolie freudienne peut-être prémonitoire de ces belles « Belle époque », le spleen de ces femmes du monde que le gigantisme des images montre comme jamais. L’Europe d’Offenbach vue à travers les bésicles de Stefan Sweig.

La formidable réalisation de Gianfranco Iannuzzi, Renatto gatto et Massimiliano Siccardi, la projection sur 4000 mètres carrés de cet océan d’images nous invite à un autre regard sur l’œuvre de Klimt.

La déambulation dans le ressac des images qui, ici envahissent toute une paroi tandis qu’ailleurs ou plus tard des volutes, des arabesques ou des spirales colonisent lentement l’espace nous font apparaître des détails constitutifs de l’art de ce Viennois un peu fou et que dans une expo traditionnelle on aurait quelque peu oubliés.

Le spectacle donne aussi à voir en gigantesques projections, la Vienne 1900, son architecture Art Nouveau, son baroque délirant, tout le vocabulaire qu’utilisera Klimt pour habiller ses femmes, pour créer ses décors et inventer la langue d’un onirisme qui lui était propre.

Rue Saint-Maur, pas d’interactivité, seulement la contemplation muette et médusée d’un public que ne distrait aucun écran tactile, un public qui ne veut pas interférer dans l’œuvre du créateur mais qui ne cache pas son admiration et ne boude pas son plaisir.
À l’atelier des lumières les adultes ont un regard d’enfant.
J’étais l’un des sceptiques screugneugneu  qui dans un premier temps refusait d’aller voir ce traitement de la peinture et vingt quatre heures après je suis toujours sous le coup de l’enchantement.

Vous avez jusqu’au 11 Novembre 2018 pour aller vous immerger dans Klimt (et Egon Schiele et Hundertwasser )

à l’Atelier des Lumières
38 rue Saint-Maur
75011 Paris

Pierre Vauconsant