La voix humaine

La voix humaine

Jean Cocteau était un être singulier, une sensibilité à nulle autre pareille. Un talent pur qui n’a jamais hésité à laisser exprimer son moi féminin, comme diraient les psychologues. La voix humaine fut montée pour la première fois à la Comédie Française avec dans le rôle-titre la comédienne Berthe Bovy. C’était en 1930. Rendez-vous compte… près d’un siècle plus tard, le texte n’a pas pris la moindre ride et s’avère même d’une très grande modernité. Le Théâtre de la Contrescarpe, cocon de velours rouge, constitue le parfait écrin, chaleureux et protecteur, pour accueillir ce spectacle où le fantôme du maître flotte, peut-être plus encore que dans ses autres écrits.

Psychologues, disions-nous ? Leur approche se montre pourtant bien réductrice, faisant fi de toute humanité voire de transcendance, allant parfois –très souvent– jusqu’à les nier. Charles Gonzalès l’a parfaitement compris. Sa direction d’actrice met ainsi l’accent sur les sentiments, somme toute très universels, que cette voix exprime avec la force du désespoir, gommant les intentions pour leur donner plus d’impact. Cocteau transporté dans l’univers du nouveau roman. Cocteau conté comme on conte Duras. Un désespoir non dénué d’humour ou de fièvre, n’en doutez pas un seul instant.

La voix. L’essence même de l’être. Sa trace indélébile, même par-delà la mort. A qui s’adresse cette femme, au juste ? A un amant qui se serait détourné d’elle ? Le propos semble le dire mais à bien scruter entre les lignes, cette confrontation avec la solitude nous conduit vers une autre piste. Ce spectacle en fait le choix, assumé, à la faveur d’une mise en scène qui ne se montre pas et cependant d’une précision d’orfèvre. Une comédienne magnétique, le regard planté dans le vide ou dans celui d’un spectateur, nous dit l’amour perdu, la peur, le vide, la peur du vide, le corps par les accents de la voix. Une expérience toute aussi singulière que l’était Cocteau. L’entreprise l’exigeait, c’est ce que nous raconte ce tandem passionné donc passionnant :

 

Le pitch :

Une femme téléphone pour la dernière fois à son amant qui la quitte. Entre tendresse et rage, elle tente de retenir cet amour qui ne tient qu’à un fil : celui du téléphone, « arme redoutable de la vie moderne » chargée de multiples possibilités de mensonge.

Mais Charles Gonzalès, metteur en scène, propose une autre lecture de La Voix Humaine : « Ce chef d’œuvre cache une autre réalité, plus intense, plus violente et plus énigmatique que celle d’une première lecture ». Il nous invite à traverser le miroir. Il nous guide là où « l’invisible se fait visible ». Au prix d’un patient travail d’enquête, il a déchiffré les messages cachés du Maître. Avec lui, le texte prend une nouvelle dimension : on accède à l’âme de Cocteau.

Cette expérience théâtrale unique associe musique, vidéos, sons, à la voix de la comédienne Yannick Rocher, qui incarne le texte sur scène. « Ce spectacle est hymne à l’être humain, dans cet endroit énigmatique et le plus sensuel du corps humain : la voix. La voix… rhizome du corps et de la pensée, racine à ciel ouvert ! Tout passe par elle et nous indique le chemin à suivre. Il s’agit ici de la nécessité absolue de paroles et de silences du personnage combattant la solitude sonore de l’Être dans sa nuit obscure ».

Pièce en un acte publiée en 1930 par Jean Cocteau.

La voix humaine
Auteur : Jean Cocteau
Mise en scène : Charles Gonzalès
Avec : Yannick Rocher

Jusqu’au 2 janvier 2018, du lundi au mercredi à 20h00

Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville
75005 Paris

David Fargier – Vents d’Orage