L’Amour en toutes lettres

L’Amour en toutes lettres, Questions sur la sexualité à l’abbé Viollet (1924-1943)

Dans une mise en scène sobre, dix acteurs groupés au centre de la scène, interprètent chacun la voix d’un individu. Ils évoluent dans la société du premier vingtième siècle, imprégnée d’une foi catholique puissante. Issues de réelles lettres d’archives envoyées à l’abbé Viollet, elles témoignent de la domination de la pensée religieuse sur l’ensemble de leurs actes quotidiens. Très croyantes, les âmes innocentes dont les mots nous parviennent, sont emplies d’une pudeur très touchante, dont elles tentent de faire abstraction pour s’adresser à cœur ouvert à l’abbé Viollet. Les acteurs nous témoignent de la pensée la plus naïve et réservée d’une jeune fille, fervente fidèle, effrayée par la vie, à une femme beaucoup plus dubitative, qui s’interroge quant à la véracité des propos rapportés par l’Église, dans la revue catholique à laquelle les protagonistes sont abonnés.

Les tourments dans lesquels nous sommes plongés sont les plus existentiels de la pensée humaine et se déversent dans les lettres de ces âmes en détresse. Ils se blâment de leurs pensées et envies les plus incontrôlables. Les interdits et la retenue que ces personnages s’infligeaient au quotidien, nous semblent être un fait bien rare dans notre société actuelle, libérée du joug pesant de la religion. Pourtant, lorsque leurs mots raisonnent dans nos oreilles, ils nous semblent bien audacieux. Peut-être sommes-nous frappés par la pensée de ces êtres qui semblent être en décalage avec la société dans laquelle ils évoluent ; mais ce ressenti peut aussi être une réaction de pudeur de notre part, face à nos propres pensées. Car si leurs mots sont parfois drôles, touchants et réfléchis ; ils sont avant tout d’une grande sincérité. De ce fait, il semble facile de comprendre, de s’imaginer soi-même, être limité par le cadre qui les étouffe.

Cette pièce de théâtre, mise en scène de Didier Ruiz, est une belle expérience humaine, touchant au plus près à nos pensées profondes. Elle nous invite à cogiter sur la relation, toujours taboue aujourd’hui, entre la sexualité et la religion catholique ; c’est un sujet bien lourd que les acteurs parviennent à nous transmettre, en conservant toujours une certaine légèreté.  

Julie Goy         

Jusqu’au 28 mai 2019

Théâtre de Belleville

94 Rue du Faubourg du Temple,

75011 Paris