À Saint-Jean-en-Royans, dans la Drôme, une ancienne usine textile s’est métamorphosée en un centre d’art aussi surprenant qu’accueillant. L’Artsolite tisse des liens sensibles entre patrimoine industriel, création contemporaine et plaisir du partage. Un lieu rare, pensé pour tous, et surtout pour l’émotion.
Un lieu chargé de mémoire
Il faut quitter les grands axes, longer les reliefs du Vercors, et suivre le canal discret qui borde Saint-Jean-en-Royans pour découvrir L’Artsolite. Au détour d’une impasse au nom évocateur — celle des Tisserands — se dresse une ancienne usine textile du XIXᵉ siècle, aujourd’hui métamorphosée en centre d’art vivant.





Construite en 1886, la filature fut longtemps l’un des poumons économiques de la région. Fermée au fil des mutations industrielles, elle attendait une seconde vie. Elle l’a trouvée — ou plutôt, on la lui a offerte — avec soin, sens et audace.
L’Artsolitea été créé par Christian Morin, originaire de la région et lié sentimentalement au lieu. Accompagné de Martine, son épouse et sa compagne dans la démarche, ils ont lancé et dirigent la création de ce centre culturel unique, officialisé par la fondation de la SAS en 2022 et l’ouverture en 2023.
Un projet entre patrimoine et utopie
Loin des requalifications standardisées, L’Artsolite revendique une âme. Le lieu a été pensé comme une œuvre à part entière, guidé par la designer Sara de Gouy, qui a réinvesti les espaces avec une approche scénographique sensible. Le comptoir d’accueil, par exemple, n’est pas un simple meuble : c’est une sculpture vivante, composée de 1 600 bobines de bois colorées, hommage joyeux à l’activité originelle du site.

Le centre s’étend sur plus de 500 m², dans un dédale de sheds industriels, de murs de pierre, de passerelles et de clairières végétales. Chaque espace a été conçu pour inviter à la découverte, sans hiérarchie ni intimidation. L’art y est une matière vivante, à la portée de tous.
L’Artsolite réunit un restaurant, un bar, 3 espaces d’exposition complémentaires pour des propositions culturelles temporaires, une boutique art et décoration, des salles à louer pour séminaires, des ateliers créatifs pour les enfants, et des résidences d’artistes.
Des expositions immersives, ludiques et méditatives
PRISM – Yann Nguema (jusqu’au 28 décembre 2025)
Dans les Sheds, (l’espace principal d’exposition, baigné de lumière naturelle, parfait pour les installations monumentales et immersives) l’artiste et musicien Yann Nguema déploie une œuvre lumineuse, interactive et hypnotique. Son univers oscille entre science et magie : jeux d’ombres, projections, tableaux qui réagissent au passage du spectateur… Une expérience sensorielle et poétique, à la frontière du numérique et de la contemplation. Cristal, verre, plexiglas, résine, eau, glace, fumée et soie se mêlent aux images. Grâce à leurs caractéristiques physiques et optiques les matériaux créent des systèmes d’écrans hybrides et singuliers qui dévoilent une nouvelle forme graphique. Les installations interactives conjuguent langage de programmation, médias, son, lumières et technologie. Elles dévoilent une esthétique très personnelle, signature de l’artiste depuis de nombreuses années. L’aspect très technologique de l’exposition disparaît au profit d’une poésie hypnotique et contemplative.










Le Son de la neige – Alain Fraboni (jusqu’au 28 septembre 2025)
Dans la Maison du Canal, (ancienne demeure bourgeoise au bord de l’eau, devenue galerie à taille humaine, accessible gratuitement) le peintre Alain Fraboni livre un travail délicat autour de la neige, de l’absence et de la mémoire. Peintures pointillistes et silencieuses, presque effacées, qui évoquent la fragilité du monde et le bruissement du silence. Une exposition toute en retenue. Alain Fraboni est à la fois peintre et alpiniste ! La fréquentation des sommets et sa pratique de son art, se nourrissent respectivement. L’alpinisme enrichit son approche artistique, lui offrant des perspectives uniques sur la verticalité et la composition. Elle suscite en lui des émotions, que l’artiste transcrit dans des paysages montagnards hyper réalistes par la technique de la peinture à l’huile. Par petites touches de couleurs il explore les montagnes enneigées pour illustrer les enjeux écologiques et le changement climatique.



Les Toki – Drôle d’exploration (jusqu’au 28 septembre 2025)
Conçue pour le jeune public (mais pas que), cette exposition sous forme de chasse aux trésors entraîne les visiteurs à la rencontre de mystérieux petits êtres masqués. Entre culture populaire, jeu vidéo et art urbain, Les Toki offrent un parcours ludique et graphique à travers tout le site. Passionné de graphisme et de street art, Toki est un duo d’artistes lyonnais, Chrystèle et Laurent, qui réinventent l’art urbain (Le nom Toki vient de leurs surnoms d’enfance, Toto et Kiki). Le duo crée des personnages amusants, cyclopes en forme de gélule, inspirés de la pop culture. Dans l’exposition ludique et immersive, chaque œuvre est une invitation à retrouver son âme d’enfant dans un monde bienveillant et simple, où la créativité est accessible à tous. Ces créatures, dotées d’un œil unique et sans bras ni jambes, sont des réinterprétations simplifiées d’icônes comme Batman, Harry Poger, Frida Kahlo, Mario ou Albator. À travers ces œuvres, Toki invite à redécouvrir la joie et la légèreté de l’art. Avec leurs personnages accessibles et facilement reconnaissables, les artistes transmettent des valeurs d’inclusivité et de partage, de manière ludique et interactive.






Un parc de sculptures
Dans le parc, trois sculpteurs dialoguent avec le végétal. Gilbert Frison explore la puissance brute de la pierre, Élise Geoffrion joue sur l’équilibre, tandis que Mina Lobamanen installe ses œuvres comme des prières minérales. Un jardin habité d’œuvres contemporaines, où l’on flâne entre sculptures, ombre et silence.







Un espace de vie avec un bar, un restaurant et une boutique, pour prolonger l’expérience au-delà des œuvres.
Le restaurant de L’Artsolite est dirigé par Jérôme Carballo, un chef-passionné doublé d’un ancien boucher. Sa cuisine valorise les produits locaux de la Drôme, dans une démarche authentique et conviviale : plats du jour renouvelés chaque midi, élaborés avec des ingrédients frais issus des circuits courts (fermes et artisans locaux). Les vendredis et samedis soir (et le dimanche midi), le chef propose une formule bistronomique, plus raffinée.






La boutique de L’Artsolite se présente comme un carrefour entre boutique de musée, design et pop culture, où se côtoient créations artistiques et objets de décoration sélectionnés avec soin et plus de 1 500 références : livres d’art, catalogues d’exposition, produits dérivés et objets décoratifs en lien avec les artistes programmés.
Une boutique pensée comme un concept store qui propose aussi des créations locales ou originales, des jouets et autres surprises à dénicher.






Avec L’Artsolite, l’art contemporain retrouve une part de tendresse. Celle du lieu qui accueille sans juger, du geste qui émeut sans expliquer, de l’instant qui touche sans bruit. Dans cette vallée du Royans, autrefois industrielle, aujourd’hui culturelle, le fil n’est plus textile, mais poétique. Et il relie les êtres entre eux.
Un « OVNI culturel » qui bouscule les codes de l’art contemporain et des centres d’art où tous les arts se retrouvent.
Véronique Spahis
L’Artsolite, 105 impasse des Tisserands, 26190 Saint-Jean-en-Royans
Ouvert du mercredi au dimanche de 10h à 12h30 et de 14h à18h (jusqu’à 23h pour le bar les vendredis/samedis)