Le décor impressionniste. Aux sources des Nymphéas

Les impressionnistes étaient ils des décorateurs ? En menant une réflexion à partir des grands panneaux des Nymphéas de Claude Monet, qu’il surnommait lui-même ses « grandes décorations », le Musée de l’Orangerie à Paris apporte une réponse positivement, en dévoilant un aspect décoratif méconnu des impressionnistes, plutôt retenus pour leurs peintures dites « de chevalet ».

Si les réflexions menées par Paul Gauguin et les Nabis sur la question des décors sont bien connues, les œuvres des impressionnistes, pour leur part, n’ont pas été retenues pour leur versant décoratif, alors même que la carrière de grands artistes tels que Gustave Caillebotte, Paul Cézanne, Mary Cassatt ou encore Edgard Degas, est marquée par ce type de productions.

Cette composante « décorative » était pourtant un trait saillant reprochés aux impressionnistes, dont les œuvres étaient taxées par leurs contemporains de vulgaires « décorations », le critique Louis Leroy allant même jusqu’à comparer les toiles de Claude Monet à des « papiers-peints » en 1874.

Les œuvres exposées au Musée de l’Orangerie ont donc été conçues en premier lieu comme des décorations. Néanmoins les sujets modernes et ordinaires traités ont certainement contraints les artistes à limiter leur production décorative à des cercles restreints, sans jamais s’inscrire dans la tendance des grandes commandes officielles de décors pour des lieux publics, comme les gares ou les mairies. La peintre américaine Mary Cassatt fut la seule à réaliser une immense peintre murale pour la ville de Chicago en 1893, célébrant la « femme moderne ». 

L’art est avant tout destiné à « mettre un peu de gaieté sur un mur » disait le peintre Jean-Auguste Renoir. Une entreprise qu’il avait particulièrement réussi avec son œuvre Les Baigneuses, où des jeunes filles nues aux proportions sculpturales émergent d’un paysage impressionniste classique. De son côté, Camille Pissarro avait réalisé des dessus-de-porte sur le thème des saisons pour la salle à manger familiale, tandis que Berthe Morisot peignait une Vénus d’après François Boucher pour décorer son appartement. 

Avant les Nymphéas, il y a eu les Chrysanthèmes. En 1893, Gustave Caillebotte glorifie la beauté des chrysanthèmes qu’il fait jaillir de sa toile, qui semblent pousser dans des pots de terre, vraisemblablement à l’air libre. En 1897, Claude Monet lui rend hommage en dépeignant les mêmes fleurs, qu’il fait flotter dans de grandes toiles, abolissant toute idée de perspective et traitant la composition en décorateur. Pour clore l’exposition, le visiteur est invité à se rendre dans la « chapelle Sixtine de l’impressionnisme », selon la formule d’André Masson de 1952, afin de méditer devant les Nymphéas d’échelle monumentale (et décorative !) qui ornent les murs du Musée de l’Orangerie depuis 1927.

Julie Goy

Du 2 mars au 11 juillet 2022

Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries (côté Seine), place de la Concorde, 75001 Paris

Tous les jours sauf le mardi, de 9h à 18h, nocturnes les 25 mars, 29 avril, 20 mai et 24 juin 2022