Gustave Moreau est connu pour ses grandes peintures d’histoires, au format monumental, mais très peu pour son interprétation des Fables de la Fontaine faites à l’aquarelle, présentées dans le magnifique Musée Gustave Moreau, du 27 octobre 2021 au 28 février 2022.
Voici l’étonnante histoire de ces aquarelles. Une grande amitié naît entre l’artiste et son commanditaire Antony Roux. Ce dernier, mécène et collectionneur, souhaite créer un nouveau projet autour des Fables de la Fontaine, en commandant à plusieurs artistes des illustrations. En 1879, Antony Roux et Gustave Moreau se rencontrent, et deviennent de bons amis. Le commanditaire décide alors de confier l’ensemble du projet des Fables à Gustave Moreau, et l’artiste réalise alors 64 chefs-d’oeuvre. À la mort d’Antony Roux, en 1913, 63 aquarelles seront vendues à Miriam-Alexandrine de Goldschmidt-Rothschild, et elle offrira la dernière fable Le Paon se plaignant à Junon au musée Gustave Moreau. 34 aquarelles, ainsi que de nombreux dessins préparatoires sont exposés dans ce magnifique musée.
« J’ai cherché comme je vous le disais à les varier toutes par le style, le ton et l’exécution de façon à ce que présentées ensemble on puisse y trouver une certaine variété d’aspect. » Lettre de Gustave Moreau à Antony Roux.
La couleur dans les différentes aquarelles est très étonnantes, voire frappantes, allant d’un bleu vif, sombre, ténébreux pour Le Chêne et le Roseau, à un bleu doux, apaisant dans la fable Le Paon se plaignant à Junon.
Il y a un joli mélange entre le style paisible des Fables de la Fontaine et une nouvelle vision poétique et sensible chez Gustave Moreau.
On peut remarquer que l’anatomie des animaux est parfaite, même leur expression est parfaitement transmise, peut-être pour mieux exprimer les idées et la morale de la fable. Curieux et érudit, Gustave Moreau travaille longuement sur les différents animaux. Il se rend de nombreuses fois à la Bibliothèque Nationale, au Muséum national d’histoire naturelle pour étudier et regarder les postures, expressions de ces animaux exotiques, comme les lions, rhinocéros, éléphants, singes, vautours, paons. Il prend également des cours de paléontologie et de minéralogie, des éléments essentiels d’étude pour le peintre. Il copie et calque notamment des dessins de squelettes, des études de crâne dans la Galerie d’Anatomie.
Ainsi, grâce à ce long travail, le critique d’art Charles Blanc dira à propos de Gustave Moreau « un artiste illuminé qui aurait été joaillier avant d’être peintre et qui, s’étant adonné à l’ivresse de la couleur, aurait broyé des rubis, des saphirs, des émeraudes, des topazes, des opales, des perles et des nacres, pour s’en faire une palette ».
Pour Anatole France, cette série est d’une « élégante et rare curiosité. Il y a là les rêves du goût le plus savant et plus raffiné, les visions éblouissantes et désolées d’un artiste qui hait la vulgarité jusqu’à craindre la nature. »
Regardons de plus près le Rat de ville et le Rat des champs, réalisé en 1881, une merveille. Gustave Moreau travaille longuement au Louvre, les peintres néerlandais et flamands du XVIIème siècle. Ainsi, on remarque que de nombreux détails sont inspirés d’une oeuvre réalisée par Jan Davids de Heem, Dessert. Charles Gleyre dira même « Oui, il s’est nourri des maîtres, la preuve c’est qu’il les rend par morceaux. ».
Cette exposition est un événement pour l’œuvre de Gustave Moreau, à ne surtout pas manquer dans ce magnifique musée, et son splendide escalier.
Inès Degommier
Du 27 octobre 2021 au 28 février 2022
Musée national Gustave Moreau, 14 rue de la Rochefoucauld, 75009 Paris
Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 18h