Faites d’une pierre deux coups la visite de l’exposition de Lydie Arickx, Arborescences puis celle du château de Chambord et de ses jardins ! Deux mondes d’époques différentes qui s’entremêlent à merveille et trouvent écho dans chacun …
Arborescences, ce mot qui nous évoque la liberté et la luxuriance de la nature est parfaitement bien illustré dans le travail de Lydie Arickx qui fait dialoguer le minéral, le végétal et l’animal au centre de sa création.
150 œuvres sont exposées et les trois-quarts ont été créées spécialement pour l’exposition.
Pour l’artiste, cette présentation est plutôt et surtout une performance. Lydie Arickx s’est donnée corps et âme pour se laisser porter par sa création. Ce travail lui a pris beaucoup d’énergie et l’a fait passer par de nombreuses émotions, côtoyant la joie et la douleur.
L’artiste n’intellectualise jamais avant de se mettre à peindre et c’est sans doute grâce à la profondeur de son implication, à son instantanéité, à son lâcher prise, que son œuvre recèle une vibration très forte qui se diffuse à tous les visiteurs contemplant les grandes fresques qui les surplombent.
Dans la reproduction gigantesque du Printemps de Botticelli qu’elle a peinte sur place, nous observons son désir d’honorer la nature comme en avaient coutume les artistes de la renaissance. De loin nous sommes frappés par la luminosité de cette fresque, par ses couleurs très vives, presque fluorescentes, signe de vie dans ce noir obscur qui les entoure. Lorsqu’on s’approche, nous découvrons plein de détails minutieux avec une cinquantaine de petites fleurs peintes, en hommage à l’original où une centaine d’espèces végétales (réelles ou fictives) illustrent l’amour de Botticelli pour la flore.
Malgré sa modernité, Arickx fait le lien entre son époque et celle du château (datant du XIVe siècle) avec justesse.
Le monde particulier de cette artiste expressionniste, habite avec tact les quatre espaces de la croix du château doté d’une architecture découpée.
Lydie Arickx nous fait voyager, coexister dans le temps et l’espace. Son art est fait de multiples techniques, matériaux, inspirations et en cela, nous pouvons la détacher de l’étiquette « d’artiste expressionniste ».
Le cosmos, l’espace mental, l’inconscient sont le fil conducteur de tout son travail. L’artiste a son identité propre et c’est bien en cela qu’elle se démarque au sein de l’art contemporain. Quelques figures lui sont indispensables mais pour ce projet, elle s’est mise en danger en se lançant dans l’inconnu, en essayant des techniques qu’elle ignorait, en découvrant des matériaux rares et/ou difficiles à manipuler, …
Au total, on peut compter une cinquantaine de matériaux différents qui résultent d’une recherche préalable colossale.
En somme, Arborescences est un résumé de vingt ans de travail intuitif, libéré de tout carcan et se renouvelant sans cesse.
Le parcours de la visite nous amène aux deux œuvres certainement les plus exceptionnelles de l’exposition au sein d’une salle où le rouge et l’ocre dominent.
Le visiteur s’imprègne véritablement de ces œuvres de grande envergure dès son entrée : un silence envahit les lieux pour ne laisser place qu’au bruit de la sphère qui tourne. Une atmosphère de tension plane, dégagée par ces productions qui abordent le cycle de la vie avec une certaine étrangeté.
Au centre, cette sphère qui nous intrigue, appelée Planétum (ou planète de l’homme) détient d’innombrables miniatures de corps humains en cire qui s’entassent, les uns trop tordus, les autres trop étirés. Cette planète d’hommes morts ou souffrants tourne malgré tout.
Cette sphère est le résultat de longues années de travail avec six sessions de polissage réalisées par son époux Alex Bianchi et leur fils César – qui ont d’ailleurs contribué à l’élaboration de beaucoup d’œuvres pour cette occasion – pour arriver à ce Planétum lisse d’une technique délicate nécessitant beaucoup de savoir-faire.
Elle fait face à une monumentale fresque (9 mètres de long, 4 mètres de haut) sur toile libre intitulée Les Origines. C’est la première fois qu’elle se confronte à ce genre de production immense avec un système d’accrochage façon tapisserie – comme on en voit souvent dans les châteaux, notamment celui de Chambord- et c’est une réussite !
Cette pièce exhibe une ambiance particulière par ces œuvres impressionnantes qui nous laissent sans voix.
Les Origines fête la vie avec sa chromatique remarquable, l’air, la terre, la vie sont peint de façon unique.
Ce bel évènement clôt en nous donnant rendez-vous à la chapelle du château pour un moment plus doux, spirituel et délicat. Dès l’entrée, l’œuvre nous invite à parcourir un chemin de 14 croix différentes mais toujours avec des matières nobles qui représentent les 14 stations du Christ. Ce couloir mystique représente le parcours de notre vie, au cours de laquelle nous rencontrons et découvrons de multiples choses.
Suspendu au bout de cette allée, un corps nu sculpté qui tourne en fonction de l’air. Si vous arrivez à la chapelle aux alentours de 18 heures, vous serez ravis d’observer le jeu de lumière qui s’opère dans cet espace épuré et vient plonger ce corps mouvant qui rappelle le Christ dans une sorte d’espace impalpable.
Ce chemin poétique achève subtilement Arborescences avec cette espèce de pèlerinage qui retrace la vie jusqu’à la mort dans toutes ses formes. En passant par la peinture et la sculpture, Lydie Arickx délivre dans son art sensualité, fougue, passion et vitalité.
Au gré de votre promenade dans les jardins, vous serez surpris de croiser Adam et Eve. Ils prennent une forme originale avec leurs figures sont rapportées au sens premier de la naissance de l’humanité, un vagin et un phallus géants trônent fièrement.
Arborescences est un bel hommage au monde des vivants, de l’homme, de sa naissance à sa mort, prit dans son entièreté et son honnêteté.
Mathilde Nicot
Du 30 mai au 17 octobre 2021
Château de Chambord, 41250 Chambord
Ouverture du château tous les jours de 9h à 18h – Exposition comprise dans le
droit d’entrée du château et des jardins à la française