Manuscrits de l’extrême – Prison, passion, péril, possession
« Mais je garde mon crayon et mon carnet que je défends au péril de ma vie. Ce petit carnet qui contient là une preuve de ma triste vie. » Anonyme, Carnet noir de l’Occupation.
Qu’il s’agisse d’une lettre écrite en1639 sur une écorce de bouleau, faute de papier, par un missionnaire au Canada, des derniers mots d’André Chénier avant d’être guillotiné, du journal de Marie Curie après le décès de son mari, de l’inscription portée par un détenu sous l’assise d’une chaise de la Gestapo ou de lettres d’Antonin Artaud, la valeur patrimoniale de ces textes réside en ce qu’ils offrent les souvenirs palpables d’histoires individuelles ou collectives extraordinaires. Dépositaires d’émotions non contenues, de sentiments pris sur le vif, ces billets, notes et lettres, rédigés souvent dans l’urgence, expriment ce que les manuels d’histoire ou les ouvrages critiques ne peuvent restituer : la façon dont des événements susceptibles de faire vaciller une existence ont été vécus de l’intérieur.
L’exposition s’organise selon quatre thèmes – prison, passion, péril, possession – qui évoquent ici les situations les plus difficiles auxquelles un être humain puisse être confronté. Au-delà des différences de circonstances dans lesquelles ces écrits ont été produits, tous témoignent d’une confiance désespérée dans les mots pour soutenir ce qui reste de vie encore possible quand tout, autour, vient l’infirmer.
Au fil du parcours, le visiteur découvre une sélection d’écrits profondément bouleversants. Écritures microscopiques, tourmentées, feuillets minuscules, papiers et encres de fortune sont autant de particularités graphiques et matérielles par lesquelles ces manuscrits font corps avec les événements vécus. La détresse, la folie, la passion s’y révèlent, non seulement dans le contenu textuel mais aussi dans la forme même de l’inscription.
L’exposition présente aussi bien des textes de personnalités ou d’écrivains célèbres, parmi lesquels Pascal, Sade, Marie -Antoinette, Auguste Blanqui, Stéphane Mallarmé, Henri Michaux, ou encore Marie Curie, Antonin Artaud, Arthur Adamov, Germaine Tillion et Jean-Dominique Bauby, que ceux d’inconnus ayant traversé des épreuves similaires. S’ils peuvent faire sens en tant qu’œuvre littéraire, les mots sont ici surtout une tentative désespérée de dire l’indicible. Ils sont l’expression de ce qui est véritablement en jeu pour un être humain, dans une guerre comme dans un hospice, dans toutes les épreuves qui menacent son humanité même : sa propre survie.
« Écrire, coûte que coûte »
Jusqu’au 7 juillet 2019
BnF François-Mitterrand
Quai François Mauriac,
75013 Paris
Du mardi au samedi de 10h à 19h – Dimanche de 13h à 19h – Fermeture les lundis et jours fériés
Photos in situ : Véronique Grange-Spahis