Le Musée national Jean-Jacques Henner accueille une exposition captivante du travail de Margaux Laurens-Nell, artiste peintre, photographe et sculptrice franco-britannique. Née à Deauville en 1997 et diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2021, Laurens-Nell est la nouvelle résidente du programme artistique lancé en 2016 en collaboration avec les Beaux-Arts de Paris. Ce programme permet à des talents émergents de créer des œuvres en résonance avec les lieux et les collections du musée.
L’exposition intitulée « Henner, le ruban, la braise » invite le public à explorer un jardin des délices luxuriants et colorés, peuplé de fleurs, d’oiseaux et de figures féminines voluptueuses couronnées de coiffes alsaciennes, un élément cher au peintre Jean-Jacques Henner. À travers une peinture magistrale de plus de 7 mètres de long, un ensemble de céramiques et de photographies, l’artiste fait danser ses rubans sur les têtes de ses nouvelles naïades, femmes fortes et puissantes, en écho contemporain aux modèles de Henner.
Le travail de Margaux Laurens-Nell revisite le nu féminin, offrant à chacune de ses naïades une personnalité propre. La mise en avant de la pilosité, rarement représentée avant le 19e siècle, joue un rôle crucial dans cette démarche. Chaque naïade est individualisée par sa coiffe, symbole de féminité, faisant écho aux bonnets et nœuds alsaciens présents dans les œuvres de Henner.
Les coiffes alsaciennes, dans la seconde moitié du 19e siècle, étaient des symboles traditionnels d’une culture agricole. Avec le développement des industries textiles, les nœuds sont devenus plus larges et plus volumineux, permettant aux femmes alsaciennes d’affirmer leur individualité. Entre les 18e et 19e siècles, l’industrie textile a permis l’émergence de modes régionales et de costumes traditionnels en Alsace. Les rubaneries produisaient des rubans trop larges pour être noués sur la tête, incitant les femmes à les plisser esthétiquement sur leurs bonnets. Le ruban est ainsi devenu une pratique de codification sociale et religieuse, offrant une grande variété de motifs permettant aux femmes de s’exprimer au-delà des considérations matrimoniales et religieuses.
La nature est omniprésente dans l’œuvre de Margaux Laurens-Nell, représentée par des animaux comme le lapin, la chouette ou encore le cygne. Le lapin, autrefois appelé « conin », faisait référence à la vulve féminine. Le cygne dévoile sous ses plumes une peau noire, vue au Moyen Âge comme une trahison. La chouette, symbole de force féminine, d’intelligence et de clairvoyance, était mal perçue au Moyen Âge en raison de sa vie nocturne. Chaque animal offre une double lecture pour une meilleure compréhension du tableau.
L’artiste intègre également des lys orange et des orchidées, symboles du désir et de la sensualité. La figure d’Ève, en référence à celle de Jean-Jacques Henner, qui se courbait en prière sur le corps de son fils, apparaît désormais à la lumière du jour, entourée de ses sœurs, les cheveux noués d’un ruban alsacien.
L’exposition « Henner, le ruban, la braise » de Margaux Laurens-Nell est une invitation à découvrir un univers riche en symbolisme et en réinterprétation contemporaine, rendant hommage aux œuvres de Jean-Jacques Henner tout en affirmant une vision artistique personnelle et moderne.
Mathilde Rocchietta
Du 15 mai au 23 septembre 2024
Musée national Jean-Jacques Henner, 47 avenue de Villiers, 75017 Paris