Michel Journiac, l’Action photographique

Michel Journiac, l’Action photographique

Je me souviens avec tristesse de l’annonce du décès de Michel Journiac en 1995. Il avait 60 ans, emporté par un cancer.
Je me souviens avec bonheur de son enseignement, quelques années auparavant à Saint-Charles (Paris I). Son nom a été donné à la galerie d’art de l’université. Attentif au travail des étudiants qui l’appréciaient, il n’hésitait pas à les mettre en avant.
Je me souviens avec regret qu’il m’avait proposé d’exposer dans une de ses expositions. Trop jeune et manquant de confiance en moi, j’avais refusé.

Quand j’ai su qu’une exposition lui était consacrée à la Maison de la Photographie, impatiente, j’y suis allée, émue.

L’exposition réunit plus d’une centaine d’oeuvres originales réalisées entre 1969 et 1994, et recouvre les grandes thématiques de l’artiste : les Pièges, les Rituels, les Contrats et les Icônes.

Les pratiques de Michel Journiac se tournent essentiellement vers le corps et plus particulièrement le sien qu’il nomme « une viande consciente socialisée ». Poésie, Installations, photographies, sculptures, performances parodiant des rituels religieux ou sociaux, il s’interrogeait sur les jeux d’identité et remettait en question la morale, la sexualité ou le sacré.

C’est par la photographie qu’il conserve en grande partie les traces de ces actions. Journiac la veut active et agissante. Dans toutes ses pièces, l’action photographique devient une sorte de parachèvement de la démarche laissée en suspens. Les séries fonctionnent comme un tout et permettent un archivage plastique et complet de l’acte créateur. Sa photographie pose alors les questions du vouloir, de la décision, de l’exposition et du rapport à l’autre, le plus souvent, avec une dialectique de la revendication.

Michel Journiac en est l’initiateur, le prétexte, l’instrument. Au départ un projet : mettre en situation des situations bousculant les codes de la bienséance de l’époque – l’inceste, l’homosexualité, le travestissement, le voyeurisme -tout en s’attachant à des sujets de la vie ordinaire: la famille, la femme au foyer ou la religion. Les clichés n’opèrent plus simplement comme des repères structurants mais au contraire, comme des éléments perturbateurs. La mort, la perte, l’absence s’inscrivent en permanence dans ses images à travers ce dessaisissement du sujet. Ses photographies font revivre le corps, l’authentifient, lui redonnent un sens politique en y infiltrant même une mémoire collective des marges.

Revendiquant la singularité de sa démarche, l’artiste se veut responsable et actif de l’existence dans l’image de ceux devant qui il s’est trouvé quand il a appuyé sur le déclencheur. Mais est-ce Journiac qui déclenche le cliché ? La plupart du temps non. Il est bien le metteur en scène des images qu’il fabrique dans la totalité de leur contenu, il en endosse la responsabilité mais il n’a que faire de l’exécutant. Le preneur de vue est secondaire. Ainsi la question de l’auteur est déplacée vers celle de l’acteur.

Jusqu’au 18 juin 2017

LA MAISON EUROPÉENNE DE LA PHOTOGRAPHIE
5/7 Rue de Fourcy – 75004 Paris
Ouvert du mercredi au dimanche, de 11h à 19h45. (Fermé lundi, mardi, jours fériés)