Monnaies & Merveilles

D’or, d’argent, de plumes, de nacre, de perles, de fer… la monnaie étonne par sa diversité. Multiples sont les formes inventées par les hommes et les femmes pour matérialiser les transactions commerciales à l’intérieur comme à l’extérieur du groupe, exprimer le rang, le prestige et la richesse, assurer l’équilibre et la survie de la communauté. Exhibés ou tenus secrets, investis de symboliques sociales ou sacrées, ces instruments de sociabilité et d’échange épousent les aspects les plus divers : velours Kuba du Zaïre, bracelets-monnaie de Côte d’Ivoire, textiles de Timor (Asie du Sud-Est), rouleaux de plumes des îles Santa Cruz (Polynésie)…

Quelque 200 pièces sont présentées dans l’exposition  » Monnaies & Merveilles« , issues de grandes institutions muséales (musée du quai Branly-Jacques Chirac, musée des Confluences, musée des Arts asiatiques Guimet, musée des Arts Décoratifs, Mucem, musée Barbier-Mueller de Genève …), de galeries et collectionneurs privés (Galerie Meyer, Pierre et Claire Ginioux, Paul et Fabienne Giro, …) ainsi que de la Collection Cartier.

« Loin de prétendre à l’exhaustivité, j’ai conçu cette exposition comme un gigantesque cabinet de curiosités invitant le public à s’interroger sur les pratiques et les croyances attachées aux usages monétaires à travers le monde. Jouant sur la surprise et l’émerveillement, le parcours télescopera les usages et les formes, décloisonnera les échelles et les matériaux, allant du plus matériel à l’immatériel, du plus rationnel à l’irrationnel, du plus intime au plus ostentatoire. Pour reprendre la formule du grand ethnologue Georges Condominas, « l’exotique est quotidien » et se faufile parfois là où on l’attend le moins ». Bérénice Geoffroy-Schneiter, Commissaire de l’exposition

Une invitation au voyage

De l’Afrique …

Les monnaies épousent en Afrique la silhouette d’un instrument de musique, d’un bracelet, d’une ancre marine, d’un bouclier, d’une lance ou d’un outil agricole, quand elles ne sont pas simples perles de verre ou gracieux coquillages. Elles se parent en Océanie de plumes de paradisier, de canines de chien, d’ivoire de cachalot, de fibres végétales, de nacre aux reflets iridescents. L’Asie et l’Europe raffolent, quant à elles, de ces pièces d’or et d’argent qui transcendent leur fonction économique pour illuminer les coiffes des jeunes épousées, tapisser les costumes militaires, envelopper d’une gangue protectrice les tuniques des enfants comme les effigies des ancêtres trônant sur les autels domestiques…

Loin d’être isolé du reste du monde, le continent africain fut dès l’Antiquité le berceau d’intenses réseaux de circulation (routes et fleuves) par lesquels transitèrent aussi bien les marchandises, les croyances et les hommes. Parmi les matériaux les plus convoités figuraient ainsi le sel voyageant sous forme de barres ou de plaques, les coquillages taillés ou à l’état naturel (cauris et nzimbu), les pagnes en fibres végétales, les perles de verre produites à Venise ou en Bohème transformées en petite monnaie ou en colliers, les cotonnades rayées ou teintes à l’indigo…

… à l’Océanie

Experts en navigation et en négoce bien avant l’arrivée des Européens, les peuples de l’Océan Pacifique n’ont eu de cesse d’inscrire les pratiques de circulation au cœur de leurs modes de pensée. Marcel Mauss, le père de l’anthropologie française, a ainsi analysé les notions de don et de contre-don, système de compensations et d’obligations perpétuelles dans lequel la monnaie transcende la simple valeur marchande pour se faire parure ostentatoire, instrument au service du sacré. Si elles semblent avoir en grande partie dédaigné le travail du métal, les populations océaniennes ont néanmoins fait preuve d’une créativité débordante pour matérialiser leurs objets d’échanges matériels et spirituels.

Quand la monnaie se fait parure

L’art de se parer est universel. Des plus humbles aux plus grands, des tribus nomades aux peuples sédentaires, les hommes et les femmes arborent sur leur poitrine, à leurs poignets ou aux lobes de leurs oreilles ces instruments de séduction que l’on nomme bijoux, amulettes ou talismans. Cristallisations de superstitions et de croyances, insignes de prestige et de gloire, ces parures ne sont en rien anecdotiques ou frivoles. Qu’ils soient en or ou argent, en plume, en nacre, en cheveux ou en os, pectoraux, bracelets, fibules, diadèmes ou colliers transcendent ainsi le seul souci esthétique pour affirmer l’appartenance au clan. Aisément monnayables dans des régions du monde où les banques se font rares, les bijoux offrent en outre un mode de thésaurisation idéal, en même temps qu’un moyen d’étaler, aux yeux de tous, la richesse familiale. Dans bien des cultures, ils constituent souvent le seul bien de la femme, dont ils assureront la sécurité matérielle en cas de divorce ou de décès de son époux. Offerts en guise de compensation matrimoniale ou de dot, transmis de génération en génération pour constituer le cœur du trésor familial, parures et bijoux célèbrent ainsi l’équilibre entre masculin et féminin, scellent l’union cosmique entre les hommes et les dieux.

Croyances populaires et superstitions

Dans l’imaginaire collectif occidental, la monnaie se résume bien souvent à cette rondelle métallique que l’on nomme « pièce ». Délesté de sa simple fonction économique, ce moyen de paiement désormais aussi universel que quotidien n’en est pas moins investi de puissantes charges symboliques. Glisser une pièce de monnaie sous l’oreille d’un enfant qui vient de perdre une dent de lait scelle ainsi son entrée dans l’âge de raison. Jeter une pièce de monnaie dans une fontaine ou un puits en formulant un vœu renvoie au geste des pèlerins antiques consacrant une offrande à une divinité protectrice ou à une source aux vertus curatives. Faire sauter une crêpe en tenant un Louis d’or dans la main gauche lors de la Fête de La Chandeleur relève de croyances païennes très anciennes célébrant la fin de l’hibernation, promesse de richesse et de bonnes récoltes.

Du 12 mai au 24 septembre 2022 (entrée gratuite tout le mois d’août)

Monnaie de Paris, 11 Quai de Conti, 75006 Paris

Du mardi au dimanche de 11h à 18h – Nocturne tous les mercredis jusqu’à 21h.

A venir en septembre autour de l’exposition :

– Mercredi 7 septembre, à 19h : Visite-conférence à trois voix entre les collectionneurs Claire et Pierre GINIOUX et la commissaire Bérénice GEOFFROYSCHNEITER, dans le cadre de Parcours des mondes, salon international des arts extra-européens.

– Jeudi 8 septembre (dans le cadre de la 21e édition du Parcours des mondes, salon international d’arts extra-européen, du 6 au 11 septembre 2022 dans les galeries de Saint-Germain-des-Prés) de 18h à 19h30, Table-ronde « À chacun sa monnaie » avec des historiens de l’art et des anthropologues

– Samedi 10 septembre, de 11h30 à 13h : visite guidée « La monnaie sous toutes ses formes » … Voyage dans l’exposition aux côtés d’un médiateur. D’hier à aujourd’hui, d’Afrique ou d’Asie, simple objet d’échanges ou objet à forte charge symbolique, la monnaie se livre et se regarde pour toujours mieux vous surprendre.

https://www.monnaiedeparis.fr/fr

Photos : Véronique Spahis