“Cher Jacques, j’espère que tu vas bien.
Je pense bien à toi depuis les montagnes où il fait très beau.
Hier nous avons fait une randonnée…”
“Souvenirs de Saint Aubin”
“Bon baisers d’Italie !”
Laissez-vous embarquer pour un voyage dans le temps, sur les traces de la carte postale des vacances, depuis son invention au XIXème siècle jusqu’à son déclin progressif de nos jours.
En effet, l’exposition proposée par le Musée de la Poste, en co-commissariat avec les Archives Nationales, explore tous les aspects de cet objet à la fois banal et singulier aux différents stades de son existence.
Partant du constat que la carte postale était un sujet peu étudié et mis en valeur par les institutions patrimoniales, les commissaires Valérie Périès et Marie-Eve Bouillon, soutenues par Anne Nicolas, directrice du Musée de la Poste, ont tenu à restituer le caractère éminemment complexe de ce fait de société.
Si la carte postale semble être un objet insignifiant, elle détermine notre vision du monde par la construction d’un regard particulier qui nourrit également les stéréotypes.
La scénographie conçue par l’Atelier Scénorama joue d’ailleurs sur les clichés véhiculés par les images postales en proposant une immersion dans un décor au soleil ou à la neige et une variété de formats allant du carton au panorama.
Forte de cette dimension spectaculaire, l’exposition entreprend une rétrospective de l’évolution de la carte postale, et décline ses différents aspects en tant qu’objet visuel, économique, de collection ou de correspondance.
En effet, la portée symbolique de la carte postale permet d’excéder sa matérialité ; à la fois très codifiée et personnelle, elle plonge dans un univers où s’entremêlent l’intime et le collectif.
En tant que support imagé, la carte postale a largement participé à la fabrique du regard touristique depuis la fin du XIXème siècle.
Témoin d’une époque, elle évolue avec les changements sociaux (premiers congés payés, tourisme balnéaire…) et façonne un imaginaire de l’ailleurs.
Des installations photographiques grand format décomposent donc l’iconographie stéréotypée, caractéristique de l’imagerie touristique. Ces saynètes évoquent une destination idyllique et viennent compléter la présentation de cartes postales sous leur format classique; en série ou isolées, et dont la production relève du média de masse.
Cette mise en image du territoire repose aussi sur la photographie de monuments historiques du monde entier. C’est réellement l’industrie autour de la tour Eiffel qui lance la mode de la carte postale illustrée en France : les visiteurs sont invités à en laisser dans des boîtes de dépôt situées aux différents étages.
Dès lors, ce succès va faire de l’envoi de souvenir une pratique ritualisée reposant sur toute une organisation économique.
La deuxième section présente donc la conception matérielle de la carte postale et permet de comprendre les rouages de cette industrie de masse.
Un posture d’analyse de ce parcours productif est mise en scène : des outils permettent de se représenter la manière dont la carte évolue de sa fabrication à sa diffusion, entre choix éditoriaux, recadrages…
Certaines cartes postales proposent même une mise en abyme de leur conception ; la carte postale par elle-même…
L’explication des différentes étapes de ce travail révèle également le savoir-faire des éditeurs, véritables entrepreneurs de l’image, adaptant perpétuellement leurs collections à l’air du temps et le promouvant par diverses stratégies publicitaires.
Il s’agit de trouver le bon angle de vue, le détail qui fait que cette carte, et pas une autre représentant le même paysage, va attirer l’attention…
C’est selon cette même sensibilité au punctum, défini par Roland Barthes comme l’élément, généralement fortuit, qui retient l’intérêt, que Marie Eve Bouillon et Valérie Perlès ont collecté l’importante quantité d’images présentée ici.
Si elles diffèrent par leur statut et origines, toutes témoignent du rôle majeur de ce nouveau support au siècle dernier.
Une archéologie des pratiques sociales autour de la carte postale comme objet de correspondance fait donc l’objet de la troisième partie.
Il s’agit de montrer comment l’écriture s’est peu à peu codifiée, notamment à travers l’œuvre de Georges Perec, Deux cent quarante-trois lettres postales en couleur véritable.
Puissant vecteur de lien social, la carte postale est aujourd’hui menacée par une nouvelle association du texte à l’image, cette fois numérique avec les réseaux sociaux, et un nouvel angle de prise de vue, le selfie.
Consciente de la disparition progressive de cette pratique qui apparaît de nos jours presque comme un “acte militant”(Valérie Perlès), la sociologue Irène Jonas a tenu à collecter les dernières traces de ce phénomène social.
Et elle n’est pas la seule à manifester un attachement à ce témoignage émouvant de notre culture. La dernière section de l’exposition revient en effet sur l’engouement des collectionneurs pour la carte postale du début du XXème siècle à nos jours.
On a accès à différentes collections d’André Laville, Arnold Van Gennep et autres qui alternent entre science, loisirs et démarche artistique.
L’enjeu de ce projet est de proposer une analyse la plus exhaustive possible du contexte de fabrication, des pratiques d’écriture et de la circulation de la carte postale dans l’espace et dans le temps.
C’est un hommage enchanteur à la carte des vacances qui est offert aux visiteurs et qui ne peut que raviver leurs propres souvenirs…
Joséphine Renart
Du 6 septembre 2023 au 18 mars 2024
Musée de la Poste- 34 boulevard de Vaugirard, 75015 Paris
ouvert tous les jours de 11h à 18h (sauf le mardi)