Une forêt de carton dans la Cour Carrée du Louvre
Après avoir franchi le guichet qui s’ouvre dans la colonnade de Perrault ou avoir traversé le Pont des Arts on pénètre dans la fameuse Cour Carrée dont l’architecture a renoncé aux souplesses de la Renaissance et contemple, impavide, sa propre image reflétée par les murs miroirs de métal polis-vif qui, en son centre enferme dit-on, une mystérieuse forêt.
Il faut passer de l’autre côté de ces miroirs. Il faut renoncer à la tentation du narcissisme, à la contemplation de sa propre image anamorphosée sur fond de classicisme grand siècle, pour pénétrer dans un autre monde. Un monde étrangement muet qui se découvre après avoir franchi la lisière de métal brillant, après avoir brièvement cheminé dans un noir profond. Un monde de silence où l’on accède par une clairière. Une clairière sombre.
Ici, pas de feuilles, de fleurs, de fougères géantes, de plantes grimpantes. Pas d’oiseau au plumage coloré, pas de fauve à la fourrure ocellée, pas de nymphe languide. Pas de rires d’enfants. Pas de vie. Pas de mort non plus !
Pas de mort … mais une poésie inquiète qui apaise et qui étreint. Une poésie comme une musique, comme celle qui s’exfiltre des forêts pétrifiées de Max Ernst. Une musique qui serait parvenue à se glisser, depuis le fond inaccessible de cette forêt immobile, entre ces arbres et ces branches de carton ondulé, jusqu’à cette clairière sans autre couleur que le beige. Une poésie-Mélusine dont on aimerait demeurer prisonnier plus longtemps. Plus longtemps que les dix à quinze minutes accordées à chaque groupe de trois ou quatre personnes – pas plus – autorisé à venir communier avec l’inextricable onirique, avec le monde enchevêtré d’Eva Jospin.
On aimerait rester plus longtemps mais courtoisie oblige. Les autres attendent. Et puis … c’est gratuit.
C’est gratuit. On peut donc voir et revoir … jusqu’au 28 août.
Pierre Vauconsant
Cour carrée du Louvre – Paris- Du 12 avril au 28 août 2016 – Tous les jours de 10h à 18h, sauf le mardi.
Placé au coeur de la Cour carrée, sur la fontaine, le Panorama de l’artiste Eva Jospin est conçu comme une architecture artistique. Le côté minéral de la ville, du palais et le décor du musée du Louvre se reflètent sur les parois habillées d’acier poli-miroir. À l’intérieur, le côté végétal, avec le panorama, reflète l’univers des forêts et des grottes.
Le Panorama de l’artiste se comprend dans la continuité des panoramas traditionnels qui, au XVIIIe siècle, ont connu un intérêt public croissant. Ce sont les précurseurs de spectacles en ville, de foires, de manèges et de cinéma, de toutes sortes de divertissements payants que la ville offre à ses habitants. Le plus ancien panorama connu en France a été réalisé par Pierre Prévost (1764-1823), Le Panorama de Constantinople, conservé par le musée du Louvre et présenté lors de l’exposition « Philippe Djian au Louvre » (27 novembre 2014 – 23 février 2015).