La BNF propose de sauter d’univers en univers littéraires grâce aux affiches créées par Philippe Apeloig pour la fête du livre d’Aix-en-Provence.
Cette exposition présente une quinzaine d’affiches généreusement données par l’artiste typographe, Philippe Apeloig. Réalisées dans le cadre du festival du livre d’Aix-en-Provence, elles sont le fruit de la collaboration avec Annie Terrier et s’étendent de 1997 à 2015. L’ordre des affiches n’est pas chronologique mais témoigne d’une volonté de respecter la qualité esthétique des affiches pour un rendu final aussi minutieux et raffinée que la pensée créatrice de Philippe Apeloig. Cette exposition regroupe les œuvres que l’artiste aime véritablement et souhaite montrer au grand public. Cela explique pourquoi il souhaite créer un véritable dialogue entre lui et ses visiteurs en les invitant à pousser la porte de son atelier par le biais d’esquisses et de QR codes à flasher (une fois flashés on peut avoir les commentaires audios de l’artiste sur toutes les affiches). L’aspect pédagogique de l’exposition est très marqué par la présence de deux films et d’une tablette permettant de voir les affiches dans le milieu urbain. Cette exposition est aussi l’aboutissement d’un « compagnonnage » entre la BNF et l’artiste qui a débuté en 1997 lors la remise de prix de l’affiche culturelle pour l’affiche Chicago. Depuis, le typographe est resté fidèle à la BNF et a directement pensé à cet établissement comme écrin pour accueillir ses œuvres.
Ce que l’artiste souhaite tout particulièrement, c’est d’exposer le long processus auquel il doit s’adonner pour créer une affiche. Tout d’abord, Philippe Apeloig doit s’immerger dans un « bain émotionnel » en commençant par lire les livres pour lesquels il doit faire une affiche, s’imbiber de la culture de l’auteur (par exemple en écoutant de la musique provenant de sa culture). Il récolte ainsi des données qu’il doit par la suite traduire, résumer par son art. Et synthétiser n’est pas une mince affaire ! On peut le voir par les nombreuses esquisses qui partent souvent dans des directions assez différentes du produit final. Ces dernières doivent être toutes imprimées avant d’être affichées sur les murs de l’atelier pour que l’artiste puisse chaque jour passer devant. Ce qui est surprenant est que ce travail d’ébauche n’est pas que numérique : Apeloig utilise les médiums traditionnels tels que le crayon, le stylo et le papier pour coucher ses idées. Il a même utilisé ses doigts trempés dans de l’encre noire pour faire des traces rappelant celles d’un crime et reflétant la brutalité et le démembrement.
Par la suite, ce travail est sujet à des débats entre l’artiste et sa commanditaire et parfois l’auteur. Bien que ces débats soient quelque chose dont le typographe raffole, elles sont aussi des moyens de se dépasser. Ce fut le cas lors de la création de l’affiche de Philippe Roth qui souhaitait avoir une affiche avec sa photographie, idée qui ne plaisait pas à l’artiste qui souhaite mettre en avant la typographie (qui pour lui, est pareil à la palette d’un peintre). Ainsi, l’artiste a réalisé un portrait de l’auteur mais dont les lignes sont des titres de livre.
Ceci démontre la conception du rôle du graphiste d’Apeloig qui est de « savoir écouter et désobéir » pour faire de ses affiches des « mondes en soi », tenant à la foi de son esthétique et de l’univers du roman. C’est pour cela qu’Annie Terrier déclare que « la fête du livre est déjà présente dans l’atelier » du typographe.
Lorsqu’on déambule dans l’exposition, on peut remarquer une minutie, un soin tout particulier dans le placement des lettres, aux valeurs symboliques des couleurs, ou le blanc peut symboliser le calme, le silence avant la création. Ces affiches font appel à tous nos sens, face à une mise en abîme illustrée et surtout au génie de Philippe Apeloig. Mais cette exposition ne présente qu’un extrait de l’œuvre de l’artiste et l’on peut aller en salle de lecture de la BNF ou dans la galerie des Donateurs pour en découvrir d’autres. Si on demandait pourquoi visiter cette exposition, on répondrait tel dirait Philippe Apeloig lorsqu’Annie Terrier lui a demandé de créer les affiches pour la fête du livre : « why not ? »
Clara Alle
Du Lundi 17 avril jusqu’au 11 juin 2023
Galerie des Donateurs, BnF François-Mitterrand, Quai François-Mauriac – Paris 75013
Du mardi au samedi de 10h à 19h, le dimanche de 13h à 19h, fermeture lundi et jours férié – entrée libre