Pulp.e de Benjamin Hochart

Plonger la tête la première dans le terrier du lapin coloré et poétique de Benjamin Hochart, c’est ce que le Drawing Lab nous invite à faire du vendredi 14 avril jusqu’au mardi 6 septembre 2023.

Notre première rencontre avec un habitant de l’univers de Benjamin est l’Harlequinpeint sur une grande affiche à l’entrée de l’exposition. Il nous énonce une des thématiques majeures de cette exposition : le jeu graphique. Entouré de deux compères, un œil longiligne ainsi que d’un masque évoquant la Comédie Del Arte, il est un teaser de ce qui va suivre. Le titre Pulp.e peint en lettres colorées est lui-même un jeu de mot : Pulpréfère aux magazines américains de seconde main aux publications de basse qualité tenant du genre de la science-fiction ou de l’horreur. L’artiste les décrit même appartenant au mauvais goût alors que Pulpe réfère à l’essentiel : le meilleur du fruit.  

On commence notre descente par Chokmu, une bannière, première œuvre de la série Président, Présidente réalisée en tissu cousu. Le rond noir et les deux ronds blancs de Chokmu  font penser immédiatement à un visage. Cet effet est celui de la paréidolie, qui est la projection humaine sur toute forme qui fait penser à un visage, que cela soit un rond, un triangle… Ce jeu graphique est une ligne continue que l’on retrouve dans toutes les œuvres de l’exposition. Il a pour but de nous questionner sur la représentation de l’Homme et de son association à des symboles. Cela rejoint la théorie de Cassirer ou l’Homme évolue dans l’univers symbolique (la langue, la religion, l’histoire…) de sa propre création. Mais quand se sent-il représenté, inclus et rejeté par ces symboles ? C’est la question que posent tout à tour les bannières Thomas, Fabienne et Vanessa qui accompagnent notre initiation au monde de l’artiste.

Dès que l’on franchit le pas de la salle d’exposition, on se sent rétrécis, quelque peu déstabilisés par le jeu des proportions mis en place par l’artiste. A notre gauche, se trouvent des petits cadres avec des œuvres gravées au graphite dans une sorte de plâtre aux formes humaines qui semblent nous fixer. A notre droite, nous parviennent différentes bandes-son de films, provenant de salles en renfoncement. Au milieu, se dressent les habits d’un géant dévêtu. Cravate, pantalon et vestes parsèment la salle et la réchauffe de leurs coloris chatoyants. Nous avons une omniprésence de ce géant par ses habits qui semblent avoir été posés à l’instant, bien qu’il ne soit pas physiquement là. Cette figure de géant fait référence aux géants de Douai, personnages emblématiques des fêtes de Gayant, issues de la région natale de l’artiste. Les vêtements sont fonctionnels et ont été cousus main par l’artiste aidé de spécialistes. La 1ère veste beige est le patron de la 2ème veste en patchwork et s’inscrit dans la continuité de l’exposition par le choix du tissu et des formes du monotype accroché dans son dos.

Derrière nous s’élève Umpf, une œuvre aux formes simples et géométriques qui matérialisent un visage souriant. Son côté street art témoigne de la volonté de l’artiste de refuser de tirer une ligne entre de l’art noble et le Low art. Cette volonté peut être retrouvée dans les tableaux appartenant à la série Grisaille qui renvoient à la fois aux peintures rupestres mais aussi aux emojis.

Par la suite, notre curiosité nous incite à prendre place sur les camemberts colorés (représentant la production sur qui on s’assoit littéralement) pour découvrir les films de l’artiste (qui sont d’ailleurs la première fois que l’artiste travaille avec ce type de médium). On prend place et on découvre tout d’abord les deux vestes dansant la Rigodon, danse folklorique de Douai. Le visionnage continue avec des films sous format de slasher puis un documentaire animalier. Les deux derniers présentent une veste d’où, une équipe d’hommes vêtus de combinaisons noires, sortent des objets saugrenus, puis la veste semble donner vie à des illustrations. Tout est fait pour nous faire réfléchir sur ce qui est et ce qui n’est pas (de plus la première veste n’est pas qu’une veste, elle a des couches multiples pour la faire tenir). On pense avoir fini notre visite mais l’artiste nous a gardé une dernière surprise : celle qui se cache derrière la porte de secours…

Ce mélange à la fois surprenant et incongru de genre et de matériau, fait de cette exposition un magazine de Pulp: bien qu’elle aille à l’essentiel, elle parvient à conjuguer poésie et esthétique à la perfection nous faisant ressortir de l’exposition charmés et en grande réflexion. Par ailleurs, cette ouverture sur l’univers de Benjamin Hochart ne se décline pas uniquement sous la forme d’expositions mais aussi celles d’ateliers (avec parfois la présence de l’artiste) destinés aux petits et grands. De quoi faire s’évader l’imagination de tous et toutes et la laisser danser auprès des géants de Douai…

Clara Alle

Du vendredi 14 avril au mardi 6 septembre 2023

Drawing Lab, 17 rue de Richelieu, 75001 Paris

Ouvert tous les jours de 11h à 19h avec entrée gratuite et libre