Première grande rétrospective Anna-Eva Bergman

Si tous les amateurs de peinture abstraite connaissent le nom d’Hans Hartung, peu d’entre eux savent qui est Anna-Eva Bergman.

Et pourtant, celle qui fut par deux fois mariée au célèbre peintre, n’avait rien à envier au talent de ce dernier.

La Fondation Hartung-Bergman située à Antibes dans l’ancienne villa-atelier du couple, milite aujourd’hui pour que le travail de Bergman soit reconnu à sa juste valeur : comme un langage pictural singulier, poétique et innovant.

Et c’est en étroite collaboration avec elle, que le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris a travaillé pour construire la rétrospective « Voyage vers l’intérieur ».

L’artiste norvégienne fait ses premiers pas plastiques à la fin des années 20, en produisant surtout des caricatures.

Elle met alors son sens de l’observation au service de petites saynètes humoristiques, qu’elle vend principalement à la presse.  

 

Mais assez rapidement, elle va s’éloigner du motif humain pour tourner son regard vers son environnement.

Elle va, par exemple, peindre les paysages de Minorque où elle a vécu avec son mari avant qu’ils en soient chassés, accusés à tort d’espionnage.

C’est à cette même période que Bergman quitte Hartung pour construire son indépendance émotionnelle et professionnelle.

Et c’est effectivement un véritable « voyage vers l’intérieur » qui débute : vers son être profond d’abord et vers les choses du monde ensuite, qu’elle observe pour les révéler. Telle est la tâche qui incombe à l’Artiste, selon elle.

Dans les années 40, elle se forme alors à la peinture non-figurative, s’intéresse aux formes géométriques et à la science du nombre d’or.

Pendant toute cette période, elle entretient un rapport géologique à la nature qu’elle traduit en peinture : elle s’inspire et reproduit les pierres, galets, fissures et minéraux qu’elle croise sur sa terre natale. 

C’est à partir de ce moment-là que Bergman trouve son véritable sujet et sa patte artistique :

    « La voie qui mène à l’art passe par la nature et l’attitude que nous avons envers elle. »

Dès lors, la nature devient l’unique sujet de ses toiles.

Elle la mettra en forme d’une manière tout à fait singulière qu’elle qualifiait « d’art d’abstraire » : d’immenses pierres, lunes, planètes, arbres, montagnes, vallées, souvent considérables et travaillés à la feuille d’or ou d’argent.

Elle construit un alphabet visuel et symbolique produit dans une attitude contemplative contagieuse.

Quand Hartung et Bergman se retrouvent pour ne plus se quitter, nous sommes à la fin des années 60.

Ils entreprennent ensemble un voyage de la cote au cap Nord de la Norvège et prennent des tas de photographies et d’esquisses qui serviront d’inspiration à Bergman un long moment.

Des tableaux qui évoquent le froid polaire et la plénitude en naissent.

L’exposition s’achève sur des toiles, surtout monumentales, exprimant des formes d’une simplicité enfantine et d’une puissance presque mystique à l’image du Feu et de l’Autre terre, autre lune.

L’exposition qui a lieu jusqu’au 16 juillet suit chronologiquement cette évolution, pour nous donner à voir l’évolution du langage plastique de l’artiste.

Bergman est consacrée, seule en scène au MAM ce printemps et cet été.

Toute l’exposition est ponctuée d’archives, de photos et de lettres, nous permettant de raccrocher l’histoire de l’artiste, à l’histoire de la femme.

C’est une rétrospective brillante, dont on sort ému. 

NB : La feuille de métal ne se prêtant pas bien aux reproductions et aux photos, il faut absolument se déplacer pour espérer ressentir le troublant apaisement que ces œuvres provoquent.

Manuella Sorin

Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris – 11 Avenue du Président Wilson, 75116 Paris

Du mardi au dimanche de 10h à 18h (nocturnes les jeudis jusqu’à 21h30)

Commissariat : Hélène Leroy