Avec les fêtes de fin d’année qui approchent, les produits de la mer s’invitent sur la table – celle du particulier comme du restaurateur.
Depuis quelques années, certains se raréfient, d’autres disparaissent, les prix explosent…
Le réchauffement en est une des raisons mais pas la seule. La pollution des mers par les plastiques en est une autre. Nombreux sont les dérivés auxquels nous ne pensons pas (contenants d’emballage et de distribution).
C’est ainsi que le 6 novembre 2023, s’est tenu dans les salons du Palais du Luxembourg, le colloque « Responsables ensemble, les acteurs de la filière engagés pour la préservation des ressources de la mer » organisé par Ethic Ocean en partenariat avec le GHR Ile-de-France, sous le parrainage de la Sénatrice du Gard, Vivette Lopez et d’Olivier Roellinger, cuisinier à Cancale et parrain d’Ethic Ocean. De nombreux acteurs de la filière, professionnels de la pêche et de l’aquaculture, fournisseurs, restaurateurs, et autres parties prenantes se sont retrouvés pour échanger autour des enjeux des ressources de la mer et de l’environnement.
Approvisionnement en produits de la mer et durabilité
La matinée, consacrée à la thématique de la durabilité des produits de la mer, a permis aux intervenants de présenter leurs points de vue sur les enjeux et contraintes de leur secteur respectif.
Alain Biseau, Responsable des expertises halieutique à l’Ifremer a présenté l’état des ressources. Des progrès sont à noter au cours de ces dernières années, mais la pression sur la ressource halieutique reste énorme : 35,4% des stocks sont surexploités au niveau mondial. La réforme de la PCP (Politique Commune de la Pêche) de 2014 prévoyait qu’en 2020 les quotas européens respectent les avis scientifiques… 46 % des quotas sont toujours supérieurs aux limites de captures recommandées par les scientifiques.
Dimitri Rogoff, Président du CRPMEM Normandie a rappelé que les produits de la mer sont les dernières ressources sauvages que nous consommons et que nous nous devons de les respecter. « Une meilleure connaissance du métier de pêcheur, de ses contraintes, est nécessaire auprès du plus grand nombre afin que les consommateurs puissent avoir conscience de la valeur de ce qu’ils dégustent. Les restaurateurs ont la responsabilité de valoriser au mieux ces ressources, ce qui n’est pas toujours le cas. »
L’aquaculture représente plus de la moitié des produits de la mer qui sont consommés au niveau mondial. Mathias Ismail, Directeur Général d’OSO-Maison Reynaud et Bastien Riera, Directeur Général Délégué du Groupe Gloria Maris, ont évoqué l’évolution de ce secteur au cours des dernières années : baisse des besoins en farine animale pour nourrir les animaux d’élevage, l’utilisation et la valorisation de déchets de productions des pêcheurs et mareyeurs comme source d’alimentation des espèces…
Pascal Mousset et Valérie Saas-Lovichi, respectivement Président et Vice-Présidente du GHR Ile-de-France, ont demandé davantage de traçabilité et de transparence de la part de leurs fournisseurs afin d’avoir les informations nécessaires leur permettant d’effectuer des achats durables, et ce en amont de leurs commandes : nom de l’espèce, provenance précise, engin de pêche, exploitation/pays pour les animaux d’élevage, etc. Cette transparence reste indispensable afin de pouvoir s’orienter vers des achats responsables et préserver la biodiversité.
Parmi les participants, Philippe Boisneau, Directeur du CONAPPED (comité national de la pêche professionnelle en eau douce) a pu réagir sur la campagne menée actuellement par Ethic Ocean au vu de l’état alarmant de stock de l’anguille européenne : « La pêche et la consommation de cette espèce ne sont pas les seules causes de sa raréfaction, il faut aussi œuvrer pour la protection de ses habitats, lutter contre la pollution de nos cours d’eau. Les pêcheurs sensibilisent et alertent les collectivités depuis des années sur ces enjeux en leur demandant notamment de limiter les impacts empêchant son développement et sa migration.»
Océan et pollution plastique
L’après-midi a été consacrée au véritable fléau que représente le plastique pour notre environnement et notre santé. Des milliards de morceaux plastiques flottent dans les océans, tout particulièrement des micro- et nano-plastiques (jusque 385 000 milliards pouvant peser 4,9 millions de tonnes – estimation 2019). Ce produit a révolutionné notre quotidien depuis les années 50, mais est devenu le poison de l’océan et de ses ressources ; il est désormais présent dans notre alimentation : « nous en ingérons chaque semaine, l’équivalent d’une carte bancaire » a rappelé Romain Troublé, Directeur de la Fondation Tara Océan.
Des solutions concrètes existent et chacun peut agir.
Laura Colagreco a présenté la démarche du restaurant Mirazur, premier établissement français certifié plastic free : « il y a eu tout d’abord une prise de conscience globale de l’utilisation de ce matériau en cuisine et chaque geste, chaque recette ont été revus : retrait des gants par les équipes, il faut juste revenir aux gestes habituels de se laver les mains ; plus de poches à douille en pâtisserie, on modifie même les recettes afin de ne pas avoir besoin de trouver des substituts au plastique. »
Le polystyrène, principal contenant utilisé pour livrer les produits de la mer, représente également un véritable fléau environnemental. Shu Chang, co-fondatrice de Pandobac, propose une solution saine et durable : un bac réutilisable permettant le transport des produits de la mer tout en les maintenant au froid. Répondant également à la problématique de volume de déchets d’emballage que connaissent les restaurateurs, la fin des cagettes, cartons, et plastique à usage unique est possible.
Amélie Riou, Responsable RSE chez Transgourmet France, utilisatrice des bacs Pandobac, a confirmé la faisabilité de cette solution. « En tant qu’intermédiaire au sein de la filière, entre achats et vente, assurant la logistique entre producteurs, pêcheurs, mareyeurs et restaurateurs, nous avons une responsabilité qui s’inscrit dans notre démarche de développement durable.
Valérie Saas–Lovichi, Vice-Présidente du GHR Paris Ile-de-France de conclure la journée : « nous avons eu des échanges très forts autour des enjeux de la durabilité des ressources et de l’environnement. Les discussions de ce jour ont montré la complexité de ces sujets mais ont également mis en lumière des solutions. Avant tout, nous avons pu prendre le temps de nous parler, de nous écouter, de faire part de désaccords. Il est important de collaborer, de coopérer, d’avancer individuellement et collectivement sur ces sujets. »
Pour Elisabeth Vallet, Directrice d’Ethic Ocean : « Ces échanges entre acteurs de la filière sont primordiaux : ils permettent de mieux comprendre les contraintes des uns et des autres, et d’échanger sur des solutions concrètes en faveur de la préservation de l’océan. Les demandes évoquées aujourd’hui feront l’objet de futurs travaux en collaboration avec les professionnels. »
A propos :
Ethic Ocean mobilise l’ensemble des professionnels de la filière pêche et aquaculture en encourageant les bonnes pratiques en faveur de la préservation de l’océan et de ses ressources. L’association accompagne pêcheurs, aquaculteurs, mareyeurs, fournisseurs, enseignes de la grande distribution, poissonniers, chefs et restaurateurs, dans la mise en œuvre de pratiques d’approvisionnements durables. Ethic Ocean publie chaque un Guide des espèces, à l’usage de professionnels, orientant vers des achats responsables.
Le GHR, Groupement des Hôtelleries & Restaurations de France, représente, conseille, et accompagne ses membres.