Toto et ses sœurs remporte la 2ème édition du prix du public Yeux doc

Cela fait plus d’un mois que le public des bibliothèques, qui sont abonnées à la plateforme numérique de diffusion de films documentaires Yeux doc, vote pour élire le lauréat du prix Yeux doc 2022.

Alors que ce genre cinématographique souffre encore d’un manque important d’intérêt et de publicité, le prix du public Yeux doc vise à valoriser et soutenir la réalisation des films documentaires créatifs.

Pour l’édition 2022, 8 films sélectionnés par la BPI étaient en compétition. Parmi eux, seulement 4 ont été retenus par les bibliothécaires : Cassandro The Exotico ! de Marie Losier ; Jericó, l’envol infini des jours de Catalina Mesa ; Maman colonelle de Dieudo Hamadi et Toto et ses soeurs d’Alexander Nanau.

Et le 6 avril dernier au Centre Pompidou, le prix a été décerné à Toto et ses soeurs !

Sorti en 2016, ce film est le 3ème long métrage de l’auteur et réalisateur Allemand Alexander Nanau. Pour le tourner, Nanau s’est installé pendant plus d’un an en Roumanie et a filmé la vie du jeune et joyeux Totonel âgé de 10 ans et de ses deux grandes sœurs Andrea 14 ans et Ana 17 ans.

Victimes de l’indifférence de leur père et l’absence de leur mère une toxicomane incarcérée dans une prison voisine, la fratrie vit ou survit, livrée à elle-même dans un appartement délabré situé au cœur d’un ghetto aux abords de Bucarest, qui sert davantage de repère pour leurs oncles toxicomanes que d’un foyer pour ces enfants.

C’est un film qui donne une leçon de résilience. Il montre toute la ressource de ces enfants qui parviennent à composer avec de misérables conditions de vies et des rêves plein la tête. Si Ana plonge elle aussi dans la drogue, Toto et Andrea vont trouver la force de se sortir du schéma familial mais aussi de son emprise : en partant s’installer à l’orphelinat où ils trouveront une stabilité qui leur permettra d’apprendre à lire et écrire dans un centre du coin qui sert d’école dans le quartier.
Toto y découvre aussi et surtout la danse, notamment le Hip-Hop, pour lequel il est particulièrement doué. Quant à Andrea, elle prend des cours de cinéma avec Nanau et va s’enticher de cet instrument qu’est la caméra qui lui permet de mettre de la distance avec la difficile réalité de son quotidien. L’une des scènes les plus dures du film est d’ailleurs capturée par la jeune femme. Alors qu’Ana a replongé corps et âme dans la drogue et vit en ermite dans le squat qui lui sert d’appartement, Andrea lui rend visite et film une scène d’une grande émotion qui témoigne de l’immense désarroi de sa soeur ainée.

Nanau est parvenu à se rendre invisible, une promiscuité incroyable s’est installée entre lui et les protagonistes de son histoire, qui ne semblent jamais se savoir filmé. C’est la vie brute de cette famille qu’il nous délivre, qui n’a pas besoin d’être transformée ou manipulée car, pour paraphraser le réalisateur, c’est « une histoire qui n’a pas besoin d’histoire ».

Le film délivre des scènes très crues et poussent parfois le spectateur dans ses retranchements mais c’est justement contrebalancé par l’innocence et l’amour des deux cadets Toto et Ana qui apporte un souffle d’espoir et de magie au récit. Malgré la brutalité des scènes qui se déroulent parfois sous nos yeux…le documentaire est passionnant et poignant.

Manuella Sorin

Toto et ses soeurs
Réalisation : Alexander Nanau – Production : Strada Film, HBO Europe, 2014 – Distribution : JHR Films – Pays de production : Roumanie – Lieux de tournage : Bucarest
Langues et sous-titres : Roumain sous titres en français – Durée : 94 min