L’affaire Valérie Bacot – comme l’affaire Catherine Sauvage – met au grand jour la terrifiante réalité à laquelle sont confrontées des milliers de femmes. Celle du viol et des violences conjugales. Dans son ouvrage « Tout le monde savait », Valérie Bacot raconte la peur, et l’emprise sous son beau-père depuis l’âge de 12 ans. Elle dit avec courage qu’elle l’a tué pour ne pas qu’il les tue, elle et ses enfants. Elle dit aussi que le combat qui l’oppose au violeur puis père de ses enfants se poursuit après sa mort, maintenant que la justice doit passer. La société sera-t-elle encore capable de lui faire du mal après des décennies de brimades, de violences verbales et physique ? Faudra-t-il qu’elle paie au prix fort les conséquences d’un acte qu’une morale éclairée ne peut condamner ?
Des femmes courageuses et solidaires s’emparent de cette histoire pour un seul en scène aussi réussi que bouleversant. Dans une scénographie savamment étudiée, l’actrice Sylvie Testud qui incarne la principale protagoniste mais aussi les autres parties prenantes, voit peu à peu le piège se refermer sur elle-même. Omerta, chape de plomb, isolement… peu importe le choix des mots. Ils restent impuissants à décrire le quotidien des enfers. Se refusant à parler puisque ses proches, jusqu’à sa propre mère qui n’eut aucun scrupule à l’envoyer dans la gueule du loup, savent mais se taisent. Tout le monde savait, tout le monde se doutait de ce que Valérie Bacot subissait depuis son adolescence. Tout le monde savait mais personne n’a bougé.
Il est donc des spectacles vivants plus cruciaux que d’autres. Ce texte dit avec force combien la libération de la parole est au cœur du problème. Avec dignité et sans emphase, Sylvie Testud convoque sur scène toutes les émotions qui étreignent son personnage : la peur, la culpabilité, le sentiment d’injustice, l’enfermement psychologique. Symboliquement, elle inscrit à la craie les acteurs qui, à chaque étape du calvaire de Valérie Bécot, aurait pu mettre un terme à cette histoire, une histoire que fracasse tous les jours la vie de trop nombreuses femmes. Les statistiques sont proprement effrayantes mais au-delà des chiffres, c’est d’une réalité ô combien cruelle et par trop universelle dont il est question. Tout le monde savait, tout le monde sait… il est donc grand temps de changer la société. Ce spectacle y contribue de belle manière, à son échelle.
Le pitch : « Ils vont venir me chercher, m’interroger, poser tout un tas de questions, me forcer à retourner dans la forêt, à leur montrer où le corps est enterré. Il faudra que je tienne bon. »
Accusée du meurtre de son mari, Valérie Bacot incarne à elle seule un combat. Celui d’une femme pour se sortir de l’emprise de son bourreau, celui d’une mère pour protéger ses enfants, celui d’une victime pour porter une parole dérangeante et nécessaire. L’histoire de Valérie Bacot c’est l’histoire d’un silence meurtrier, du dysfonctionnement des institutions, d’une difficulté à entendre et prendre en compte la parole des victimes. C’est l’histoire d’une résilience incroyable, celle d’une femme devenue figure iconique de la lutte contre les violences conjugales.
David Fargier – Vents d’Orage
Tout le monde savait
Auteur : Elodie Wallace, adapté du livre de Valérie Bacot ; Mise en scène : Anne Bouvier ; Avec : Sylvie Testud
Jusqu’au 29 novembre 2022, du mardi au samedi
Théâtre de l’œuvre, 55 rue de Clichy, 75009 Paris