Le théâtre de Poche Montparnasse présente Un château en Suède, pièce inédite de Françoise Sagan, mise en scène par Emmanuel Gaury et Véronique Viel.
Frédéric, un jeune suédois sans expérience, part rendre visite à ses cousins qui mènent une étrange existence dans un château reculé ; tous portent des costumes d’époque XVIIIème pour satisfaire la lubie historique d’Agathe, l’aînée.
Il va y faire la rencontre fatale d ‘Éléonore, charmante jeune femme à la sensualité marquée qui joue de ses charmes pour rendre fou chaque visiteur…
En effet, l’arrivée de Frédéric n’est pas anecdotique mais alimente un jeu annuel : chaque hiver, un cousin vient profiter de l’hospitalité de la famille Falsen, et les grandes neiges l’obligent à rester plus longtemps que prévu…
Cette temporalité saisonnière est matérialisée par une maquette du château miniature, placée sur la droite de la scène, au-dessus de laquelle les personnages versent des flocons de neige symbolisant l’écoulement du temps.
Si ce dernier semble figé, la visite apparaît comme un catalyseur qui rompt avec l’ennui et l’inertie du quotidien des personnages.
Frédéric va donc devenir l’objet de l’amusement cruel d’Éléonore, en premier lieu, encouragée par son frère Sebastian, libertin assumé à l’humour piquant qui ne cache pas sa passion incestueuse pour sa sœur. Duo qui n’est alors pas sans rappeler le couple Valmont-Merteuil des Liaisons Dangereuses.
La pièce s’ouvre d’ailleurs sur une scène de lecture érotique entre les deux personnages. La tête posée sur les genoux de son frère, vêtue d’une somptueuse robe rouge, Éléonore entame une lecture qui donne le ton : « Alors Malcolm approcha de la jeune femme son visage empourpré de désir ».
C’est bien la passion amoureuse qui est déclinée, dans toutes les déviances qu’elle peut entraîner : dès le début, on apprend qu’Hugo, frère d’Agathe, homme bourru et volontaire, a fait passer sa première femme Ophélie pour morte afin de pouvoir épouser Éléonore.
La « défunte » apparaît donc comme une dame blanche, un fantôme qui hante les couloirs du château. Ophélie souligne elle-même la proximité de la situation avec celle d’un conte à l’éternel recommencement ; «Sébastian, regardez, on dirait Barbe-Bleue ! », s’exclame-t-elle à propos d’Hugo.
La mise en scène permet la suggestion de cet univers onirique par une séparation de l’espace. L’avant-scène est séparé du reste par un rideau perlé, aux allures de cascades, derrière lequel ont lieu toutes sortes de transgression et métamorphoses.
Par exemple, le comédien interprétant Hugo s’y tient de dos pour se travestir en Gunter, le vieux domestique.
Ces personnages mystérieux s’accordent en une harmonie fascinante ; la brutalité d’Hugo s’équilibre avec la douceur Éléonore, la rigidité d’Agathe avec la légèreté de Sébastien et le caractère irréel d’Ophélie a celui terre-à-terre de Frédéric.
Une interprétation mordante et pleine d’esprit au service de cette comédie féroce signée Sagan !
Avec : Odile Blanchet, Bérénice Boccara, Gaspard Cuillé, Emmanuel Gaury ou Arthur Cachia, Sana Puis, Benjamin Romieux
Mise en scène : Emmanuel Gaury, Véronique Viel
Costumes : Geneviève Lafarge
Lumière : Jean Pascal Pracht
Scénographie : Bastien Forestier
Musiques : Mathieu Rannou
Joséphine Renart
Jusqu’au 9 février 2025
Théâtre de Poche Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, 75006 Paris
Du Mardi au samedi à 19h – Dimanche à 15 h