Pour sa « carte blanche » au musée de la Chasse et de la Nature, Mircea Cantor s’intéresse à la notion de «territoire». Ce thème est au cœur de la rencontre du prédateur et sa proie qui inspire son récent film (“Aquila non capot muscas” 2018) où l’on voit un aigle en train de chasser un drone. Dans un autre film (“Deeparture” 2005) on assiste à la tension montante entre un loup et une biche se côtoyant dans l’espace artificiel d’un «white cube ». Mircea Cantor est également sensible à la relation très particulière que la tradition vernaculaire de son pays natal a développé avec les animaux sauvages. La faune abondante et diversifiée (ours, loups, oiseaux migrateurs…) qui habite les vastes étendues de la Roumanie, depuis les forêts des Carpates jusqu’aux terres marécageuses du delta du Danube, inspire certaines fêtes traditionnelles et la production d’objets qui leur sont destinés. Au cours des siècles la culture chrétienne a intégré les anciens rites païens qui ressurgissent notamment à l’occasion des colinde ou fêtes de fin d’année. Dans ces sortes de carnavals, les figures de la chèvre ou de l’ours sont invoquées pour célébrer l’an qui meurt. Particulièrement développés dans la province de Moldavie ou dans la région de Maramaureș, ces rituels se retrouvent également en Valachie ou en Transylvanie. À cette occasion, la population des villages envahit les rues, costumée en animaux ou en hommes sauvages.
Ces rites servent de fil conducteur à Mircea Cantor à travers les salles du musée, comme si celui-ci devenait le territoire d’une étrange parade. En «chasseur d’images» ou «vânătorul de imagini» il collecte des objets et des œuvres et les dispose d’une manière qui leur donne un sens nouveau. Empruntant des objets d’art populaire au Musée du Paysan roumain de Bucarest, commandant à ses amis artistes de Roumanie des œuvres sur le thème de la chasse, il mélange ces « ready-made » d’un genre particulier à ses propres œuvres dans une scénographie qui vient jouer avec les collections permanentes du musée.
Parmi les œuvres exposées :
Près de 100 masques populaires empruntés au Musée du Paysan roumain. Ces objets ethnographiques recueillis depuis les années 1950 sont représentatifs des travestissements que portent les villageois de Moldavie ou de Transylvanie pour les fêtes de fin d’année et témoignent de la vigueur d’un art populaire qui perdure encore. Les 100 masques seront présentés de manière spectaculaire, au fil des salles, comme s’il s’agissait d’un des cortèges caractéristiques des colinde.
Dans l’espace «Camera de oaspețila » (la « chambre d’amis »), Mircea Cantor a invité des artistes contemporains (Marius Bercea, le maître Corneliu Brudașcu, Dan Beudan, Mi Kafkin, Alin Bozbiciu, Sorin Câmpan, Gheorghe Ilea, Ciprian Mureșan, Radu Oreian, Eugen Roșca, Șerban Savu, Gabriela Vanga) issus de l’École de Cluj. Il leur a demandé de produire des œuvres en lien avec les thèmes du musée de la Chasse et de la Nature.
Mircea Cantor présente également ses propres œuvres, dont un certain nombre sont spécialement produites pour l’occasion. — Aquila non capit muscas, vidéo, 2018. (La vidéo présente un aigle capturant des drones, réponse de la nature au désir de puissance de l’homme contemporain) — Deeparture, vidéo, 2005. (Mircea Cantor cite Beuys et sa vidéo I like America en la faisant rejouer par des animaux sauvages) — Breath separator, installation,2017. (Écrans de verre marqués d’empreintes digitales traçant une clôture en fils de fers barbelés) — Dessins inspirés par les colinde traditionnels et par les masques populaires roumains. Ces dessins viennent recouvrir les murs à la manière d’un papier peint ou d’un wall-drawing.
Exposition du 15 janvier au 31 mars 2019
Musée de la Chasse et de la nature, 62 rue des Archives, 75003 Paris
tous les jours (sauf le lundi et les jours fériés) de 11h à 18h, de 11h à 21h30 le mercredi
photos : Véronique Spahis