La vie après la vie 3/6

La vie après la vie 3/6

Emmanuel Ransford, polytechnicien, chercheur au CNRS en physique quantique, écrivain et conférencier

Vents d’Orage : La physique quantique se pare de bizarreries que vous ambitionnez de quelque peu démystifier dans votre dernier ouvrage, « L’univers quantique enfin expliqué ». Mais la philosophie présente un réel intérêt pour guider vos recherches.

Emmanuel Ransford : Très vite le déterminisme laplacien m’apparut limitatif. Tout ne peut pas s’expliquer par le déterminisme, et tout d’abord le déterminisme lui-même. Selon moi, un scientifique se doit d’aborder la philosophie pour de multiples raisons allant de l’éthique à la compréhension même de l’univers. Il fut d’ailleurs une époque où l’on pouvait se permettre d’embrasser l’ensemble du savoir sans que les frontières soient aussi marquées qu’à notre époque. Un scientifique a le devoir de s’interroger sur les fondements philosophiques. Mais bon nombre de philosophes ont du mal à sortir d’une approche extrinsèque visant à situer le travail scientifique par rapport à tel ou tel courant philosophique. Ce qui m’intéresse tient à l’intrinsèque et au raisonnement pur.

VdO : Ce qui peut surprendre davantage tient à votre intérêt pour la médiumnité, a priori bien éloignée de la rigueur scientifique.

ER : Le travail de quelques médiums ont modifié ma vision, sans mauvais jeu de mots, de cette discipline. Henry Vignaud, entre autres, m’a démontré qu’il y avait « quelque chose », tant par la sincérité du personnage que par l’absence de supercherie. Gary Schwartz a également entrepris des expériences en double ou triple aveugle qui laissent entendre que la médiumnité possède un haut niveau de probabilité. Mes propres recherches autorisent à donner une explication à ce type de phénomènes dits paranormaux. Je n’appartiens à aucune école et le débat au sein même de la communauté scientifique se révèle plus dogmatique que rationnel. Il est navrant de constater que certains soient raillés voire évincés de leurs fonctions parce qu’ils avouent ne pas adhérer à une approche purement matérialiste. Les médias ne se font pas assez l’écho de nouvelles hypothèses. La télépathie, pour ne citer qu’elle, a fait l’objet de démonstrations étayées et tout à fait sérieuses mais il est encore de bon ton de nier sa réalité.

VdO : Le Dr Charbonier se heurte à ce dogmatisme dans le milieu médical. Le Père Brune  regrette le manque d’ouverture chez les religieux, particulièrement les représentants du catholicisme. On peut s’étonner d’un tel constat identique dans des domaines aussi variés…

ER : Oui, par exemple pour la question des miracles, l’Eglise Catholique rechigne souvent à les reconnaitre et à en parler, visant à limiter le vocable à la seule œuvre du Christ avant sa crucifixion.

VdO : En quoi la physique quantique ouvre des perspectives susceptibles d’éclairer la médiumnité et la possible immatérialité de la conscience ?

ER : La physique quantique est venue dématérialiser la matière, arguant que la réalité s’avère plus contrintuitive que nous le pensions. Le hasard quantique acausal comme le hasard quantique déterministe (faisant appel à une variable cachée sub quantique non observable) n’ont pas été des voies convaincantes ou suffisantes. Une troisième possibilité propose que le hasard quantité serait supporté par une endo-causalité, c’est-à-dire que les particules élémentaires pourraient être dotées d’un relatif pouvoir décisionnel. Cette voie reste inexplorée car elle se heurte à l’idéologie matérialiste. Je me suis interrogé sur la nature du psychisme. Il existe un micro psychisme à l’échelle de la matière qui, par le biais de l’intrication quantique, se manifeste à l’échelle macroscopique. Une explication au principe d’inséparabilité de deux particules ayant été en lien à un instant donné ne peut être que la télépathie si l’on admet que la matière porte en elle un psychisme et dont les composantes tissent un réseau que je qualifie de supral à l’échelle de l’Univers. La nature est capable d’agréger, de relier ces microscopiques pouvoirs décisionnels (portés par une endo-causalité, un vrai déterminisme) pour fabriquer des entités macro-psychiques comme nos esprits.

VdO : Entités susceptibles de perdurer après la mort physique ?

ER : Oui dans la mesure où les suprels, les motifs fabriqués par les entités en question, sont supportées à la fois par les particules de matière et par les liens d’intrication dont certains subsistent indéfiniment en dehors de l’espace-temps de la matière.

VdO : Cela m’amène à vous interroger sur la dualité de la matière relativiste/exo-causale et déterministe/endo-causale.

ER : La matière est en réalité une holomatière. Elle présente d’une part une caractéristique tangible, en l’occurrence l’état matière dans son acception commune, dont le mouvement est observable dans notre espace-temps, d’autre part une caractéristique psychique, l’état paral, non soumise aux lois physiques telles que la vitesse de la lumière. Les deux états interviennent alternativement. Le scénario quantique programmé par la Nature autorise l’état paral à chaque fois que la quantition est menacée. Concrètement, la quantition est une loi du tout ou rien qui interdit aux particules élémentaires (électron, quark…) de se laisser découper n’importe comment. Ainsi, on ne trouvera jamais de demi-électron indépendant du reste de la particule. On assiste alors à un saut quantique qui laisse croire que la particule circule à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Or ce n’est pas le cas : il s’agit d’une dématérialisation pour passer à l’état paral avant une nouvelle matérialisation. Les scientifiques et les philosophes tombent dans un piège en imaginant que le fait d’observer la particule la rend observable et donc réelle. Cela revient à dire que l’observateur crée la réalité. Il n’en est rien : l’observation est un moyen parmi d’autres de menacer la quantition, la caractéristique endo-causale permettant le saut quantique. Ce saut est une évolution aléatoire, non-ondulatoire et discontinue des systèmes quantiques, qui se manifeste au cœur de toute une famille d’événements tels que la réduction du paquet d’ondes -ou collapse de la fonction d’onde-,  l’effet photoélectrique et l’effet tunnel, la désintégration des systèmes radioactifs, etc.

VdO : Les suprels, ces empreintes laissées par entités psychiques resteraient donc sur une toile suprale universelle ?

ER : Absolument. Les médiums ont vraisemblablement une faculté plus importante à lire certaines parties de cette toile. C’est aussi ce qui pourrait expliquer que des personnes ayant bénéficié d’une greffe disent très  fréquemment développer une mémoire issue du donneur. Cette faculté s’appuie donc sur l’endo-causalité partielle des entités psychiques elles-mêmes fondées sur les particules de matière et les liens de non-séparabilité. Partielle car limitée par l’exo-causalité. On peut, dans une approche asymptotique, envisager une endo-causalité totale, l’ur-causalité (de la racine allemande traduisant la primordialité). L’entité ur-causale relève du divin, autocréateur puis créateur, et demeure insondable mais serait à même de donner la vie éternelle.

VdO : Ce qui expliquerait les charismes, les miracles, les grands mystiques. Votre modèle théorique se traduit dans le concret de la médecine ?

ER : Oui. A mon sens, la médecine s’architecture sur 4 niveaux : la médecine classique qui se préoccupe des organes, des cellules, des molécules, la médecine quantique qui est en réalité -essentiellement électromagnétique puisque n’intégrant pas encore la supralité-, celle des machines, la médecine supra-quantique, celle des guérisseurs assise sur le magnétisme, la télépathie, et enfin la médecine ur-quantique manifestée dans les miracles.

VdO : Vous nous disiez en préambule de cette interview votre volonté initiale de porter un regard philosophique sur chaque étape de vos recherches et les conclusions auxquelles vous parvenez. Ont-elles conforté votre foi ?

ER : Evidemment, comment pourrait-il en être autrement ?! Bien sûr mes convictions spirituelles ne se sont pas forgées à la seule aune de mes recherches scientifiques mais la seule caractéristique psychique de la matière était de nature à renforcer ce sentiment d’un au-delà, quelque fut le vocable que l’on eut choisi pour le définir. La théorie matérialiste a été utile mais elle a vécu et l’on se doit désormais d’aller plus loin et d’appréhender l’Univers avec les outils adéquats.