L’Histoire dépasse parfois la fiction, c’est le cas avec Germaine Berton, cette anarchiste au caractère plus que trempé. En 1923, elle assassine Marius Plateau, l’un des leaders de l’Action Française, mouvement nationaliste et royaliste. Elle a 20 ans, est donc mineure et revendique son acte comme une démarche individuelle et politique. Elle explique que Marius Plateau, c’était un second choix, son but c’était de tuer Léon Daudet. Par son geste elle veut venger l’assassinat de Jaurès, ledit suicide de Miguel Almereyda journaliste libertaire et protester contre l’occupation de la province allemande, la Ruhr.
Son procès, c’est l’affrontement des anarchistes et de l’extrême droite avec l’Action Française et les Camelots du roi, milice armée surnommée « la horde fasciste ». L’accusée, c’est une femme libre dans une société où le sexisme est dominant, où le mot assassin n’existe qu’au masculin. Provocatrice, Germaine Breton se remaquille au tribunal lorsque les jurés prêtent serment.Tous les ingrédients sont présents pour enflammer la France. Pour les nationalistes elle est le bras armé de l’Allemagne honnie, tandis que pour les surréalistes, elle incarne la révolution, l’amour. Et pourtant un an plus tard, c’est l’acquittement de Germaine Breton.
Pour découvrir cette incroyable histoire, pour comprendre cette passionaria, vous devez lire l’excellent ouvrage de Frédéric Lavignette : « Germaine Berton une anarchiste passe à l’action ». Ce journaliste retrace de manière rigoureuse le contexte historique de l’affaire en s’appuyant sur les journaux de l’époque, les archives de la police et les articles de Germaine. Il réussit à écrire un livre historiquement juste qui se lit comme un captivant thriller.
L’éditeur l’Echappée a choisi pour ce bel ouvrage un grand format, une maquette originale, en colonnes qui donne l’impression de se plonger dans un journal d’époque. L’ensemble est illustré avec les photos des protagonistes et les unes de plusieurs périodiques. Enfin, l’insertion d’authentiques publicités apporte une touche d’humour.
Frédéric Lavignette a effectué un remarquable travail de recherche. Il a sélectionné des extraits des polémistes de l’époque dont la verve n’a rien à envier à ceux d’aujourd’hui. Ce livre se dévore avec passion, car il ne se contente pas seulement de retracer le parcours de Germaine Berton, il explique la situation d’après-guerre avec une France ruinée. Les répercussions de cette première guerre mondiale, c’est 538 milliards de dettes, 1,3 million de morts, 300 000 mutilés, dont les gueules cassées. Ces derniers ne bénéficient d’aucune aide, puisque le gouvernement estime qu’ils n’ont aucun handicap. Nous comprenons mieux l’intransigeance, l’antimilitarisme de Germaine Berton. En 1921, elle écrit pour le Réveil « A bas la France militariste » une virulente diatribe sur les politiques, l’armée et dépeint la barbarie des champs de bataille. La demoiselle a le verbe cinglant, elle appelle à la désertion, à la désobéissance. Venant d’une femme, c’est une terrible provocation.
Frédéric Lavignette ponctue son récit d’anecdotes qui dépoussièrent l’Histoire. Nous découvrons qu’à cause de son indifférence face au quotidien des soldats, Raymond Poincaré est surnommé « celui qui rit dans les cimetières ». Les articles incendiaires de l’Action Française, les réponses du Midi Socialiste, de la revue anarchiste, suivi des commentaires du Gaulois nous plongent avec délectation dans l’ambiance de l’époque.
« Germaine Berton une anarchiste passe à l’action » c’est le cadeau qu’il faut glisser dans les doc Martens de votre ado rebelle et dans les pantoufles de votre vieil oncle, qui adorera la justesse et l’ambiance de ce livre. Enfin, si vous avez une copine féministe, offrez-lui, elle va jubiler devant cette Germaine Berton qui a transgressé toutes les règles sociales de l’époque.
Barbara Ates Villaudy
Germaine Berton une anarchiste passe à l’action.
Edition L’échappée – 24 euros
21,5 x 28,5 cm, 288 pages