L’occasion était belle et les commissaires Iwona Danielewicz, Agnieszka Rosales (du musée national de Varsovie) et Marie Lavandier (directrice du Louvre Lens) en ont tiré le plus beau des partis. 2019 célèbre en effet le centenaire de la convention relative à « l’émigration et l’immigration », signée par la France et la Pologne. Suite à cette signature, une vague d’immigrants polonais s’était installée dans le Nord de la France, afin de travailler dans les mines de charbon. La mémoire de la Pologne, ce pays complexe, fier et attaché à son identité nationale est montrée, au travers des œuvres exposées, dans toute sa splendeur. Au fil des peintures polonaises, toutes plus colorées les unes que les autres, c’est l’âme slave qui se dégage. Une âme mélancolique et gorgée de la tristesse d’une déchirure nationale. C’est un vrai voyage dans le temps et dans l’espace que nous propose le Louvre Lens. Un dépaysement assuré !
La couleur est centrale. La couleur des panneaux dialogue avec celles des peintures, donnant le ton et annonçant l’ambiance. Le rouge et le jaune pour la gloire, le gris et le noir pour la mélancolie, le bleu clair et le vert pastel pour les paysages, le jaune pour le folklore. Chaque couleur à sa signification comme autant de fragments composant une identité. Et quand les couleurs s’entremêlent, se mélangent et se confrontent, le résultat n’en est que plus explosif !
Ces couleurs sont le reflet de l’âme polonaise et du combat pour leur Nation, entrepris dans les années 1840 dans un contexte de morcellement et de redéfinition du territoire. Les peintres prennent activement part aux débats. Ils représentent la Nation comme ils la perçoivent, comme ils la ressentent. Ils se considèrent d’abord et avant tout comme des dépositaires d’un passé glorieux, avant, peu à peu, de prendre compte du présent, et forgeant du même temps une nouvelle définition de l’âme polonaise, plus dure, rude, synonyme d’immigrations et d’exil.
Mais qu’est-ce qu’une Nation sans peuple ? Rien, ou juste une terre en friche. Une galerie de portraits nous montre ainsi des personnes, des personnages, des Polonais. Chacun de ces portraits est unique, et pourtant ils forment un tout, ils forment la Pologne. La terre est également essentielle, la terre des paysages tout autant que la terre d’origine, exprimée dans les traditions folkloriques. Les deux salles qui y sont consacrées sont immanquables tant leurs couleurs sont intenses et les personnages représentés fougueux, tout entiers remplis de leur identité. Ce petit parcours se termine sur une ouverture : l’artiste polonais doit-il nécessairement être nationaliste ? Œuvres critiques et représentations de sujets plus naïfs se côtoient dans une dernière salle à l’ambiance plus légère. C’est comme si la vie, enfin, pouvait recommencer…
Vous pourrez poursuivre votre visite en déambulant dans l’impressionnante galerie du temps, donnant sur une petite exposition temporaire.
Le sujet ? Un photographe d’origine polonaise qui a migré avec toute sa famille à Rouvroy, dans le Nord de la France en 1922. Kasimir Zgorecki (c’est son nom) entreprend, après une expérience assez courte dans les mines, d’ouvrir un atelier de photographie. C’est là que pendant une quinzaine d’années, il capture des morceaux de la vie de la population rouvroysienne. Il s’amuse également à photographier la population polonaise immigrée, portraiturant leur insertion dans la société et leurs réussites professionnelles. Et ironie du sort : celui qui voulait montrer le monde a longtemps été oublié, avant d’être retrouvé, par hasard dans un grenier…
Servane de Pastre
Pologne, 1840-1918 : Peindre l’âme d’une Nation
Du 25 Septembre 2019 au 20 Janvier 2020
Suivie de Kasimir Zgorecki : Photographier la petite Pologne. 1924-1939
Du 25 Septembre 2019 au 30 Mars 2020
Musée du Louvre – Lens
99, rue Paul Bert
62300 Lens
Ouverture tous les jours sauf le mardi de 10h à 18h