Pharaons des deux terres, l’épopée africaine

Jusqu’au 25 juillet 2022 et sous la houlette du commissaire d’exposition Vincent Rondot, directeur du département des antiquités égyptiennes, Le Louvre présente l’histoire du Royaume de Kouch.

Au 8ème siècle avant JC, un espace/temps de quelques dizaines d’années voit la création de la 25ème Dynastie dans l’unification de l’héritage des précédentes avec les chefferies Kouchites. Cette fabuleuse épopée des Rois de Napata se déploie entre la Haute-Nubie soudanaise et l’Egypte antique dont les frontières ont peu évolué à ce jour.

Ce foisonnant évènement plonge le visiteur dans la conquête de la Vallée du Nil via la présentation au public d’une des plus belles collections muséales égyptiennes levant un peu plus le voile… d’Isis.

La genèse de l’exposition prend sa source au Soudan à Doukki Gel ou « Ville d’Amon-du-Jujubier » en 2003 sous l’impulsion de missions suisse, soudanaise et française avec notamment l’égyptologue Dominique Valbelle. Une fosse circulaire tel un sanctuaire endormi dont la terre est chargée de reste de feuilles d’or intrigue par sa structure et devient le théâtre de fouilles mettant au jour les fragments de sept statues royales, trois kouchites et quatre napatéennes. Les Pharaons noirs sont ainsi révélés au monde. Le parcours de l’exposition accueille la reconstitution de 6 des 7 ouvrages de sculpture en ronde bosse grâce à une impression 3D au sable de quartz, peintes et dorées à la feuille. Elles représentent 5 rois.

La technologie nous les présente à l’échelle dans toute leur magnificence, l’enquête archéologique dévoile leurs noms, voici Taharqa, Tanouétamani, Senkamanisken, Anlamani et Aspelta.

L’accent est aussi mis sur l’incroyable relief tabulaire du Djebel Barkal et des temples construits à ses pieds dont un en son sein, le tout 100 mètres plus bas. Ce piton rocheux est interprété comme l’incarnation géante du serpent cobra dressé, l’uraeus protecteur de la mythologie égyptienne, tant pour les égyptiens que pour les kouchites. Il s’agit de la fille de Rê protégeant le dieu Amanap « Amon de Napata » caché dans la montagne.

Cependant, les œuvres présentées n’ont pas toutes révélées les secrets de leurs symboles. Leurs beautés hypnotisent, leurs forces nous traversent, la magie opère tout au long d’un parcours dédié aux adultes et aux enfants tel un jeu de piste. Des cartels ludiques sont destinés au jeune public sur un ensemble d’oeuvres.

Nous y apprenons que s’implante sur la nécropole de Nouri la plus grande pyramide du Royaume de Kouch. Les tumuli monumentaux ont peu à peu fait place à de petites pyramides extrêmement pentues en « accord avec une mode adaptée de l’Egypte ». Les pyramides des cinq derniers rois ont été l’un des moyens d’établir la chronologie des souverains de Napata par la position relative des tombeaux et par les fabuleux objets et trésors funéraires.

Riche en or et en bétail, avec une population majoritairement pastorale, le Royaume de Kouch, au sud de la deuxième cataracte avec ses capitales politico-religieuses telles Kerma, Napata, Méroé et leurs nécropoles, est profondément imprégné des Dieux de ses conquérants. Vincent Rondot affirme qu’ils sont devenus plus pharaoniques que leurs conquérants. Alors, au sommet de leur puissance et témoin de la fragmentation de l’Egypte, « proie possible », un roi kouchite, Piânkhy, tente sa chance et s’empare du pouvoir donnant naissance à cette 25ème dynastie. Moins d’un siècle plus tard les assyriens mettront fin à cette domination. L’art sous toutes ses formes raconte ces aventures épiques notamment par le souffle du chant. En effet 2500 ans plus tard Verdi, avec l’Opéra, s’empare de l’épopée d’Inaros, faisant triompher le destin tragique du roi éthiopien Amonasro – aujourd’hui Amanislo –  et de sa fille la belle Aïda, princesse réduite en esclavage par Pharaon.

C’est dans cet écho que s’achève l’exposition dans un goût d’inachevé, de mystère, d’émerveillements. Hâtez-vous d’y aller et de goûter la caresse de ce vent nubien !

Du 28 avril au 25 juillet 2022

Musée du Louvre, Hall Napoléon, Rue de Rivoli, 75001 Paris

Ouvert tous de 9h à 18h les jours sauf le mardi

Nocturnes du vendredi jusqu’à 21h45.

Texte et photos: Valmigot