Il arrive que l’immense notoriété d’une oeuvre d’art, devienne le fardeau d’un créateur. Le cas du peintre norvégien Edvard Munch est exemplaire en la matière. Car, si chacun connaît « Le Cri » icône du mouvement expressionniste symbolisant l’angoisse existentielle, peu d’entre nous serait capable de citer un autre tableau de l’artiste. C’est que cette extrême célébrité a fait de l’ombre au reste de son oeuvre, pourtant toute aussi importante et inspirée.
Alors que le travail de Munch n’a plus été mis à l’honneur en France depuis 10 ans, le Musée d’Orsay lui consacre son exposition de la rentrée.
C’est plus d’une centaine de peintures, dessins et estampes, produites entre 1880 et 1940, qui sont réunies pour nous présenter une vision d’ensemble de l’oeuvre du peintre.
Elles ont en commun de travailler principalement les trois notions guides et régentes de l’humanité selon Munch : la vie, la mort et la renaissance. D’où le titre de l’exposition choisi par la commissaire Claire Bernardi et sa collaboratrice Estelle Bégué : « Edvard Munch « Un poème de vie, d’amour, et de mort » qui emprunte les mots prononcés par l’artiste lui-même pour qualifier « La frise de la vie ».
Cette exposition, réalisée en partenariat avec le MUNCHMuseet d’Oslo, revendique une dimension rétrospective et s’évertue à mettre en lumière la cohérence de l’œuvre filée de cet artiste, qui occupa une place charnière dans le passage à la modernité artistique.
Le parcours non chronologique de l’événement se déploie dans un grand espace d’exposition temporaire scindé en 9 salles représentants 9 cycles.
Parmi elles, « De l’intime au symbole » ouvre l’exposition en présentant les premiers pas du peintre quasi-autodidacte, au travers des portraits déjà symboliques de ses soeurs et amis.
Des productions qui contrarient déjà les habitudes encore réalistes et narratives des peintures de l’époque. On y trouve notamment « Désespoir. Humeur malade au coucher de soleil. » que Munch aimait appeler le « premier Cri ».
Mais aussi, des séries qui annoncent les obsessions prochaines du travail de l’artiste, ainsi que son attrait pour les motifs symboliques. À l’image de l’espace « Les vagues de l’amour » où se trouve surtout des dessins et gravures qui instrumentalisent la fonction de la chevelure des femmes pour figurer le lien qui unit ou désunit les êtres humains entre eux :
« La longue chevelure est une sorte de fil téléphonique. »
« Reprise et mutation du motif » montre le gout du peintre pour l’art de la reprise tant des motifs et que des compositions de ses travaux. Faisant à nouveau signe vers la nature cyclique et continue de son oeuvre.
L’exposition nous invite aussi à considérer l’intérêt de l’artiste pour le théâtre, qu’il travaillait toujours teinté d’une grande conscience de la souffrance, du tourment et de l’inéluctabilité de la mort.
Juste avant l’« Épilogue » de l’exposition qui dévoile la captivante réinterprétation de la nuit étoilée de Munch, on passe dans « Le grand décor », un bel espace coloré qui expose une bonne partie des ébauches de décors réalisés par l’artiste.
Si ces œuvres étaient rarement appréciées de son temps, à force de persévérance Munch est parfois parvenu à imposer ses visions. En témoigne le décor réalisé pour la salle d’honneur de l’Université de Kristiania qui habille aujourd’hui encore les lieux.
L’exposition est passionnante et va permettre aux amateurs d’art de prendre le temps de considérer l’importante composition de ce peintre, qui n’a eu de cesse de chercher à s’expliquer le sens de la vie.
Manuella Sorin
Du 20 septembre au 22 janvier 2022
Musée d’Orsay – 1 Rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
Grand espace d’exposition temporaire niveau 0
Du mardi au dimanche de 9h30 à 18h (jusqu’à 21h45 le jeudi)