C’est dans la petite mais non moins intrigante galerie Henri Chartier au 3 rue Auguste Comte où les boutiques d’arts et d’antiquités sont omniprésentes que se tient jusqu’au 29 juillet une exposition d’art contemporain sans pareille : Au seuil de l’ombre. Sans pareille car l’exposition entend dépasser nos évidences, nos certitudes acquises au moyen de la science pour laisser transparente la part de doute, d’ombre qui perdure en nous. Sans pareille parce qu’elle nous donne à voir un monde qui résiste au dictat de la science, nous laisse entrevoir cette fraction d’inconnu qui nous fascine et nous révulse à la fois.
Les artistes qui ont pris part à cette quête de la connaissance métaphysique que constitue cette exposition ont tous tenté d’imaginer et de retranscrire au travers de la peinture, de la sculpture, du dessin ce à quoi ressemblerait l’inexploré par la science. Chaque œuvre matérialise le sentiment d’incertitude qui caractérise l’homme en paysages fantasmagoriques, en territoires métamorphiques et en créatures excentriques et biscornues. Au seuil de l’ombre fait aussi la lumière sur la part d’ombre que chacun porte en soi, explore nos imaginaires et questionne nos fantasmes concernant le mystère de l’existence.
Passant d’œuvres en œuvres comme de contrées en contrées, le visiteur peut notamment admirer Idole de Chloé Poizat, forme anthropomorphique qui, bien que mystérieuse, possède très étrangement un lien avec le vivant. L’artiste nous reconnecte ainsi avec notre nature primitive qui comporte encore et toujours une part d’obscurité en nous faisant voyager dans un monde fictif à la croisée du rêve, du grotesque et de l’étrange. A l’aide de l’assemblage d’un dessin pastel sec et d’un fusain sur papier, Chloé Poizat compose, sur mesure, sa vision de l’origine du monde.
A l’entrée de la galerie, trône la sculpture Devouring lines de Barbara Leclercq, faite de pâtes et de griffes en céramique qui s’entremêlent dans un mouvement infini, presque tortionnaire. Sorte de chimère acéphale qui se meut silencieusement autour de l’encadrement de la porte aussi bien que dans notre esprit qui ne peut s’empêcher d’accueillir cette œuvre comme une invitation à l’introspection. Elle entraine chacun à se questionner sur ses propres démons, sur leur persistance au sein de nos existences et dans notre processus de (re)construction. Les morts gouvernent les vivants, Barbara Leclercq matérialise cette idée en un bestiaire étonnant qui semble surgir et persévérer dans le monde présent.
La peinture de Floris Dutoit recouvre, elle, les murs blancs de la galerie les habillant de ses couleurs à la fois vives et pastels, de ses motifs à la fois triviaux et atypiques. Une cerise, des chaises, une fraise, un moulin ou encore une tulipe, l’artiste interroge la signification de ces images dans notre imaginaire fortement influé par leurs représentations médiatiques. Directement assimilables au premier coup d’œil, ces images dénotent par le traitement excessivement gai qui leur est réservé, par leurs contours potelés et leur aspect flottant. Déformant volontairement des images qui nous sont familières, Floris Dutoit en appelle ainsi à notre affect et à la signification sociale que nous leurs attribuons.
D’autres artistes participent également à cette quête de l’indicible tels que Amy Hilton, Hervé Ic, Damien Mouliérac ou Lionel Sabatté et eux aussi entrainent celui qui ose franchir la porte de la galerie vers des contrées inexplorées et des rêveries inavouables.
Cassandre Specty
Photo de couverture : Valérie Toubas
Du 10 juin au 29 juillet 2023
Galerie Henri Chartier, 3 rue Auguste Comte, 69002 Lyon
Le mardi de 14h à 19h ; mercredi, jeudi, vendredi, samedi de 11 h à 19 h