Saint-Paul de Vence, perché sur son éperon rocheux, domine fièrement la vallée du Loup et les collines parfumées de l’arrière-pays niçois. Ce petit bourg médiéval, aux ruelles pavées et aux façades ocre doré, raconte plus de mille ans d’histoire et d’humanité.

Olivier Scagnetti, passionné par sa région, merveilleux guide de l’Office de Tourisme nous a conté l’histoire de Saint Paul puis ouvert les portes de quelques pépites à visiter.
Les origines du village remontent au Xe siècle, à une époque où la Provence, morcelée en fiefs et seigneuries, devait se protéger contre les invasions sarrasines et les conflits seigneuriaux. Son implantation sur un promontoire rocheux lui donne un avantage stratégique : la vue porte à des kilomètres, des cimes alpines jusqu’à la mer scintillante. On raconte que, par temps clair, les guetteurs pouvaient apercevoir les voiles blanches des navires longeant la côte.
Au Moyen Âge, Saint-Paul se développe autour de son église et de son marché hebdomadaire. Les échanges portent sur l’huile d’olive, le vin, le blé et les tissus. Les pierres blondes des maisons, extraites des carrières voisines, absorbent le soleil le jour et le restituent le soir, créant une chaleur réconfortante dans les ruelles.
Au XVIe siècle, le roi François Ier ordonne la modernisation des fortifications. Les remparts, conçus par l’ingénieur Jean de Saint-Rémy, inspiré par les méthodes de Vauban, encerclent le village en un tracé élégant ponctué de bastions. Ces murs, toujours intacts, sont parmi les mieux conservés de la région. En y marchant aujourd’hui, on entend presque, dans le silence du matin, l’écho des pas des soldats d’antan.
Le XIXe siècle voit une lente désertification : les familles quittent les collines pour les plaines plus fertiles. Le village s’endort… jusqu’au début du XXe siècle. Les années 1920 marquent le réveil. La Côte d’Azur, déjà prisée par les hivernants anglais et russes, attire aussi peintres et écrivains. Saint-Paul, avec sa lumière douce et ses perspectives infinies, devient un refuge pour ceux qui cherchent à échapper à la frénésie urbaine.
Aujourd’hui, entre ses remparts séculaires, ses galeries pleines de vie, sa chapelle baignée de lumière par Folon, ses terrasses gourmandes et sa fondation d’art mondialement reconnue, le village a su rester authentique tout en étant accueillant.











Sur le pas des artistes
Grâce à leurs crayons, pinceaux, burins et plumes, les artistes ont converti Saint-Paul de Vence en une place culturelle incontournable. Dès l’après-guerre, la vieille cité médiévale, encore préservée du tourisme de masse, devient un lieu de rendez-vous pour des figures majeures de l’art et de la littérature.
Marc Chagall, arrivé en 1966, dira : « La lumière de Saint-Paul est comme une mer suspendue dans le ciel. »
Lui qui avait connu l’agitation des grandes capitales trouve ici un havre. Il peint ses bouquets éclatants, ses amoureux flottant dans le bleu, ses scènes bibliques baignées d’or et de vermillon. Sa maison, modeste et entourée d’un jardin fleuri, est encore visible depuis le chemin des remparts. Chagall repose désormais dans le petit cimetière du village, face à l’horizon.

Jacques Prévert fréquente Saint-Paul dès les années 1940. Il aime les conversations sans fin à la terrasse du Café de la Place et les parties de pétanque improvisées. On raconte qu’il avait toujours dans sa poche un carnet où il notait des bribes de dialogues entendus dans la rue, qui nourrissaient ses poèmes et ses scénarios.
Jean-Michel Folon, artiste belge au style épuré et symbolique, trouve à Saint-Paul une résonance particulière avec son univers. Il y reviendra régulièrement, jusqu’à y laisser son empreinte la plus intime : la décoration de la chapelle des Pénitents Blancs.
Georges Verdet, poète, peintre et sculpteur, ami proche de Prévert et de Chagall, apporte sa vision onirique et son humour tendre. Leurs échanges, parfois jusque tard dans la nuit, mêlent philosophie, politique et création.
La promenade des galeries
Flâner dans Saint-Paul, c’est marcher dans un livre d’art à ciel ouvert. Les galeries se succèdent, abritées derrière de lourdes portes en bois. Dans l’air flotte l’odeur du jasmin et du café fraîchement moulu. On y voit des sculptures contemporaines posées sur de vieux pavés, des aquarelles qui captent la lumière changeante, des photographies où le village se reflète comme dans un rêve.
Avec des galeries reconnues à l’internationale, des galeries plus intimistes ou des ateliers d’artistes ouverts sur l’extérieur, ici, l’art est omniprésent.
Dans l’Atelier Bang & Lessin, nous avons rencontrés Louise Bang et Gui Lessin, un duo d’artistes qui, l’été, fait vibrer le village et, l’hiver, puise son énergie à New York. Leurs toiles, nourries d’influences multiples — de l’expressionnisme abstrait aux graffiti urbains, en passant par la spontanéité du mouvement CoBrA —, semblent palpiter au rythme de leur complicité créative. Après un bel accueil dans leur atelier-boutique, ils nous ont entrainés dans leur appartement nous faire découvrir leur univers et surtout la belle lumière qui entre à travers leurs fenêtres donnant sur l’extérieur du village






La chapelle des Pénitents Blancs décorée par Folon
Presque dissimulée derrière un muret de pierres sèches, la chapelle des Pénitents Blancs se dévoile comme un secret bien gardé. Construite au XVIIe siècle pour la confrérie des Pénitents Blancs — groupe laïc dévoué aux œuvres de charité —, elle servait à la fois de lieu de prière et de salle de réunion.
En 2005, Jean-Michel Folon accepte la proposition de la restaurer et de la décorer. C’est l’aboutissement de plusieurs années de réflexion. Il imagine un ensemble harmonieux où chaque élément dialogue avec l’autre : vitraux, mosaïques, peintures murales, sculptures.
Les vitraux, aux teintes de bleu céleste, vert d’eau et or pâle, transforment la lumière en un voile mouvant. Les silhouettes, typiques de l’univers de Folon — personnages élancés, chapeaux flottants, oiseaux stylisés — semblent accompagner le visiteur dans un voyage intérieur.
Sur les murs, des fresques minimalistes évoquent le cheminement humain, de la solitude à la fraternité. Le mobilier, conçu spécialement pour la chapelle, épouse les formes sobres de l’architecture originelle.
Folon voyait cette œuvre comme « un espace pour respirer, pour se souvenir et pour espérer ». Aujourd’hui, elle est ouverte au public, et son atmosphère invite au silence et à la contemplation.







La Fondation Maeght
À quelques centaines de mètres des remparts, entourée de pins, de mimosas et de cyprès, se dresse la Fondation Marguerite et Aimé Maeght. Inaugurée en 1964, elle est l’une des plus prestigieuses institutions privées dédiées à l’art moderne et contemporain.
Les Maeght, marchands d’art parisiens, étaient amis de nombreux artistes. Ils rêvaient d’un lieu où les créateurs pourraient exposer, mais aussi travailler et se rencontrer. L’architecte catalan Josep Lluís Sert conçoit un bâtiment lumineux, modulable, qui s’ouvre sur des patios et des jardins.
Le visiteur y découvre des œuvres de Joan Miró (dont un fascinant labyrinthe de sculptures et de céramiques), Alexander Calder et ses mobiles colorés qui se balancent au gré du vent, Alberto Giacometti et ses silhouettes filiformes semblant marcher vers l’infini, Georges Braque, Marc Chagall et bien d’autres.
Les jardins, ponctués de bassins, d’escaliers de pierre et de terrasses, offrent une promenade où l’art et la nature se répondent. L’odeur des pins chauffés au soleil se mêle au bruit léger des mobiles, créant une atmosphère presque méditative.















Se restaurer au Tilleul
Sur la place centrale, à deux pas des remparts, Le Tilleul est l’un de ces lieux où l’on sent battre le cœur du village. Sa terrasse, ombragée par un tilleul centenaire, accueille habitants et voyageurs depuis des décennies.
Autrefois, c’était un café modeste où les artistes s’installaient pour discuter de leurs projets. Chagall y passait parfois ses matinées, Prévert y écrivait quelques lignes en observant les joueurs de pétanque. Les anecdotes abondent : on raconte qu’un jour, Yves Montand et Lino Ventura, de passage, ont improvisé une partie endiablée sur la place, sous les rires des clients.
Aujourd’hui, Le Tilleul propose une cuisine qui rend hommage aux produits locaux. Les légumes proviennent souvent des marchés de Vence et de Cagnes, les poissons sont pêchés au large d’Antibes, l’huile d’olive vient des moulins voisins. On peut y déguster une daube provençale fondante, une pissaladière parfumée aux oignons confits, ou des plats plus contemporains mêlant herbes fraîches, agrumes et fleurs comestibles.
Le soir, lorsque la lumière dorée se retire derrière les collines, la place s’anime de conversations et de cliquetis de verres. Les cigales se taisent, remplacées par un fond musical discret.









Se ressourcer au Domaine du Mas de Pierre
A sept minutes en voiture du vieux village, un très bel hôtel – Relais et Châteaux – vous accueille pour passer une nuit (ou plusieurs) paisible tout en restant dans l’ambiance artistique de la journée (https://itartbag.com/la-dolce-vita-au-domaine-du-mas-de-pierre/)
Qu’on vienne à Saint-Paul de Vence pour marcher sur les traces de Chagall, Prévert, Folon et Verdet, pour savourer une pissaladière sous un tilleul, pour méditer dans une chapelle aux vitraux célestes ou pour se perdre dans un jardin de sculptures, on repart toujours avec quelque chose de plus — une image, une sensation, une émotion, … et surtout beaucoup de lumière qui continue de nous accompagner…
Véronique Spahis
Office de tourisme : https://www.saint-pauldevence.com/
Chapelle des Pénitents blancs, Place de l’église, 06570 Saint-Paul-de-Vence
Du 15 avril au 14 octobre : ouverte tous les jours, de 10h à 12h30 et de 14h à 18h – Du 15 octobre au 14 avril : ouverte tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 12h30 et de 14h à 17h – Fermeture annuelle du 15 au 30 novembre, ainsi que le 25 décembre et le 1er janvier.
Atelier Bang & Lessin, 14 rue de l’allée, 06570 Saint-Paul-de-Vence
https://www.instagram.com/bang.and.lessin/
Fondation Maeght, 623 Chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul-de-Vence
ouverte tous les jours de 10h à 18h de septembre à juin et de 10h à 19h de juillet à août.
Restaurant Le Tilleul, Place du Tilleul, 06570 Saint-Paul-de-Vence
Ouvert tous les jours de l’année, pour déjeuner de 12h à 14h30 et pour dîner de 19h à 23h – L’été, salon de thé, du lundi au vendredi de 10h à 18h, samedi de 8h à 17h, dimanche de 10h à 14h