Algunas Bestias, un portrait glaçant de la société chilienne

Une famille originaire de Santiago, capitale du Chili, s’installe sur une île (L’île de Chaullín), non loin des côtes, afin d’y développer un projet touristique. Totalement déserte, à l’exception du gardien, très sauvage et sans réseau, l’île semble être le cadre idéal pour tout individu souhaitant se ressourcer dans un cadre naturel. Jusqu’ici tout semble idyllique, mis à part pour les grands-parents maternels, invités sur l’île pour un court séjour, à qui est demandée une somme d’argent pour financer les futurs travaux d’aménagement de l’île. La tension monte d’un cran lorsque le gardien quitte l’île à l’aide du seul bateau disponible, laissant la famille prisonnière et isolée.

Rapidement, le film s’engouffre dans une atmosphère familiale pesante. La tendresse innocente se ponctue souvent d’un certain malaise. Les musiques participent à cette ambiance oppressante, cette sensation de nausée face à ce qu’on ne voit pas, mais dont la présence est écrasante. De ce qui est su, mais n’est pas avoué. Le cauchemar n’est qu’à un pas, en permanence, souligné par la tension d’un cadrage d’une extrême symétrie, dans cette maison calme, isolée, prête à imploser.

Pour son deuxième long-métrage, Jorge Riquelme Serrano pousse le spectateur dans ses retranchements avec un thriller douloureux, jouant avec la limite du supportable. Inspiré de L’Ange exterminateur (1962) de Luis Buñuel, Serrano fait le choix d’une tragédie familiale sans échappatoire. Il décrit Algunas Bestias comme « un miroir, un portrait de la société chilienne », à la fois « douloureux, naturaliste et urgent, qui s’attache à faire réfléchir le public, d’une manière franche et douloureuse ».

Sous l’horreur familiale, c’est une classe sociale entière, aisée, qui ne regarde qu’elle-même, qui est dénoncée. Le parallèle entre une institution familiale instable et les abus des injustices sociales, vécus au quotidien par une société chilienne très inégalitaire, vise à souligner, dans le film comme dans le pays, qu’« il y a partout de la violence », décrit Serrano.

Alfredo Castro, qui joue le grand-père, évoque cette « oppression des femmes, de la classe populaire et la décadence de la bourgeoisie », très présente au Chili, qui est dépeinte par le film. Sa prestation et celle de l’ensemble des acteurs de la famille Paulina García, Consuelo Carreño, Gastón Salgado, Adrew Bargsted et Millaray Lobos est à saluer, pour l’émotion intense qu’ils parviennent à nous communiquer.

Il s’agit du second volet d’une « trilogie sur la violence, les ténèbres et la complexité de l’être humain », débutée par Cameleón en 2016. En mai 2022, débutera le tournage du troisième volet, Mirasol. Algunas Bestias sera à découvrir au cinéma le 20 avril 2022.

Julie Goy

Algunas Bestias

Par Jorge Riquelme Serrano

2019, Chili – 1h35

Au cinéma le 20 avril 2022