Frida: L’art résistance

Le théâtre de la Manufacture des Abbesses présente les prolongations de la pièce FRIDA, portée par la Compagnie des Immortels avec un texte et une mise en scène de Paola Duniaud.

Ce spectacle dynamique et passionnant expose la vie extraordinaire de Frida Kahlo, fameuse peintre mexicaine avant-gardiste qui a révolutionné l’art et la société du XXème siècle.

“Je ne souhaite que trois choses : vivre avec Diego, peindre et appartenir au parti communiste”.    

Cette personnalité hors du commun a su non seulement séduire le milieu artistique de son temps (à Paris, aux Etats-Unis) mais se distingue par sa liberté à l’égard des codes, en s’affirmant comme une femme affranchie de tout conformisme.

Ce sont les personnages eux-mêmes qui nous accueillent dans la salle, proposant une immersion directe dans ce parcours exaltant. L’accueil chaleureux de Lola, commissaire de l’exposition Frida, et des cinq autres protagonistes ne peut que nous faire débuter le récit dans les meilleures conditions.

Quatre filles et deux garçons composent ensemble la transmission de la vie mouvementée de Frida Kahlo et l’on reste véritablement suspendu à ce partage qui prend les allures d’un conte.

En effet, toujours placée dans la salle, une comédienne présente, telle une voix off, les lieux et dates de l’action, éclairée par une lampe de poche, donnant l’immédiate impression d’un moment confidentiel, à la bougie.

Nous sommes donc plongés, également grâce aux sons de guitare, successivement dans les lieux phares de la vie de Frida au Mexique :

  • sa demeure familiale, la Casa Azul, dans laquelle elle grandit entourée de ses parents et de sa sœur Christi,
  • La Escuela Nacional Preparatoria, école prestigieuse dans laquelle Frida entre à l’âge de quinze ans et où elle débute un peu plus tard son engagement politique par son intégration au parti communiste notamment.

Véritable enfant de la révolution mexicaine, elle n’aura de cesse toute sa vie de militer pour la défense des plus démunis et la reconnaissance des pratiques ancestrales de son pays.

Mais nous visitions également des lieux moins exaltants tels que l’hôpital où elle a passé beaucoup de temps jeune en raison des complications physiques liées à sa poliomyélite puis de son tragique accident de tramway en 1922.

Le décor, composé de quatre tringles formant un carré tournant, assure la fluidité des transition entre les différents espaces.

Fluidité qui est également perceptible dans les changements d’acteurs puisqu’eux-mêmes se partagent des rôles à volonté, interprétant différents personnages selon les tableaux, excepté le rôle de Frida.

Cette dernière apparaît au début de la pièce dans un fauteuil roulant, acclamée par ses amis déjà présents, donnant à vivre un moment marquant de son histoire et de l’Histoire : sa première exposition dans son pays natal, le Mexique en 1953. Elle est alors âgée de 46 ans.

Débute alors une fascinante rétrospective qui va nous emmener de sa naissance à Coyoacan en juillet 1907 à sa mort au même endroit en 1954, en passant par ses nombreux voyages et notamment sa vie aux Etats Unis avec Diego.

Les personnages prennent eux-mêmes la parole, s’emparant de leur histoire et la proclamant fièrement dans un halo de lumière, à la manière d’un stand up.

Frida se présente donc majestueusement, déjà captivante par son regard et sa force vitale.

On accède à des moments relationnels forts, que ce soit ceux partagés avec son père, artiste photographe auquel Frida vouait une véritable admiration pour sa tendresse et son travail, mais également avec sa sœur Christi.

Et encore (et surtout !) son histoire passionnelle avec Diego Rivera, peintre mexicain de vingt ans son aîné, mondialement connu pour ses peintures murales et auquel elle restera officiellement mariée jusqu’à sa mort en 1954.

Leur rencontre à la Escuela Nacional Preparatoria au Mexique, à été déterminante dans le parcours artistique de Frida ; Diego est un des premiers à donner son avis sur ses peintures et à l’encourager dans cette voie ; il aurait notamment énoncé : “ Ta volonté doit te conduire à ta propre expression”.

Et c’est en effet par l’art pictural que l’artiste a pu déployer sa singularité, bien que cette pratique trouve sa genèse dans un terrible accident. C’est alitée, après de longues semaines de coma artificiel provoqués par le choc d’un bus en 1922, que Frida commence à peindre sur son plâtre.

Il est assez intéressant de voir que la naissance de l’artiste est apparue comme un acte de résilience, d’abord pour sa propre vie, et ensuite de résistance, en se faisant connaître au monde.

“Je ne suis pas morte, j’ai une raison de vivre. Et cette raison, c’est la peinture.”

Ses parents lui offrent dès lors un chevalet, des couleurs, et disposent un miroir au-dessus de son lit, à partir duquel elle va produire son premier tableau intitulé Autoportrait à la robe de velours.

S’il a été d’abord créé dans la volonté de retenir son petit ami Alejandro qui a pris la décision de partir étudier en Europe, il initie une longue série d’œuvres de ce genre (on compte 55 autoportraits sur 143 œuvres au total).

Malgré le succès grandissant de Frida au Mexique comme dans le reste de l’Europe et la liberté précieuse que ses différents voyages lui ont apportée, c’est aussi une vie de déchirements qui nous est présentée. On alterne en effet entre la joie et l’euphorie des soirées tequila mexicaines, et les cris de douleurs poussés après les différentes opérations et avortements.

C’est donc une vraie figure de résilience qui nous est présentée, colorée, pleine de fougue, d’énergie et de volonté, Frida fait graviter autour d’elle tous les personnages de son histoire qui devient désormais la nôtre.

Femme libérée, bisexuelle, et excentrique, elle voit les choses en grand et on l’entend nous crier, aujourd’hui plus que jamais : ! Viva la vida !

Joséphine Renart

FRIDA, par la Compagnie des Immortels – texte et mise en scène de Paola Duniaud.

Avec : Ana Lorvo ou Lior Aidan, Sacha Vucinic ou Ulysse Mengue, Thierry Mulot, Sabrine Ben Njima ou Camille Verschuere, Daphné Dumons ou Vanille Lehmann, Paola Duniaud – Durée : 1h10

du 25 septembre au 30 novembre 2024 – du mercredi au samedi à 19h

Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018, Paris