Libor Prokop : Un pêcheur d’étoiles à la Bibliothèque Universitaire.

Cette année, sous l’impulsion de sa directrice Claire Mouraby, la Bibliothèque de l’Université de la Polynésie française dans le cadre des Journées du Patrimoine a proposé au public la thématique de la navigation aux étoiles. Elle y a associé l’accès aux précieux ouvrages du fond polynésien dont le mythique « Les immémoriaux » de Victor Segalen avec ses gravures en taille-douce et leurs matrices en métal.


Libor Prokop, conférencier pour l’événement, passionné d’ethno-astronomie et ancien aiguilleur du ciel, à travers des outils fabriqués par ses soins tels cartes du ciel et calendriers lunaires, soumit exercices, observations et récits.

En conteur aguerri de cosmogonie polynésienne, fort d’années au service de la culture Maohi, il embarqua dans son énergie un public attentif.

« Avec Libor on sait toujours d’où l’on part mais on ne sait jamais où nous allons atterrir » me confie un visiteur. Une heure de conférence se métamorphose en trois, sans que l’on s’en rende compte, lui non plus d’ailleurs. La surprise est toujours au rendez-vous.

Ses aficionados s’en réjouissent car ils savent que le voyage en vaut toujours la peine, que le discours les émerveillera car « la navigation il l’envisage du point de vue du langage, des concepts » et de la passion.

Son aura le précède. Sans même en avoir conscience, il diffracte la lumière, dilate le temps et ouvre les esprits. Ceux des vivants mais aussi ceux des tupunas (ancêtres) qu’il convoque et révoque régulièrement lors de cérémonies sur le marae, plate-forme sacrée en pierres volcaniques, de sa lignée.

Membre fondateur de l’association Haururu qui veille à la valorisation des sites sacrés, il fait revivre ces lieux dans tout l’amour de sa culture.

Cette dernière, de tradition orale, a essuyé des pertes. Cependant, plus attaché au sens qu’à l’exactitude des paroles perdues, Libor lui redonne forme en rêvant de faire des émules.

La connaissance il ne l’envisage qu’en partage. Libor enseigne à la Maison de la Culture de Tahiti mais aussi à la prison de Papeari. Son rapport à l’autre se fait tout à la fois dans la transmission de ses savoirs et de l’écoute de l’autre. Un cours, une conférence se construisent autour du dialogue.

Polynésien par sa mère, tchèque par son père, on retrouve dans son fourmillant tempérament d’électron libre, une approche contemplative du monde et cette décontraction du bohème qui sait trouver le bonheur en chaque lieu.

Ce bonheur est communicatif. Son savoir qu’il distille en reo Tahiti, en français et en anglais est le prolongement de réflexions identitaires, migratoires, patrimoniales et tant d’autres.

Vous l’avez compris, Libor est un sachant, un philosophe en questionnement permanent. Sa fibre artistique nourrit ses interrogations. Il fut danseur puis musicien. Il ne se contente pas de jouer. Auteur, compositeur, interprète et membre du groupe Fenua pendant 10 ans, il crée aussi ses propres instruments dont le Vivoqui est une flûte nasale en bambou, en bois, plus anciennement en os humain ou animal.

Quasi oubliée, Libor a fait renaitre son doux son et permis à cet instrument ancestral de retrouver sa place dans la musique néo-traditionnelle. Il est dit qu’elle échange les souffles comme le pratiquaient les marquisiens et ainsi exprime l’énergie qui circule entre un joueur et son public.

Cette flûte, outre le fait de dispenser de la musique, est le carquois symbolique des instruments du tatoueur.

Afin de faciliter l’accès pécuniaire à l’instrument, Libor, dans une approche contemporaine, détourne des canalisations en PVC pour en faire des Vivo abordables. Il y incruste de la nacre, anoblissant ainsi singulièrement chaque flûte nasale.

Libor Prokop dans sa féconde quête immémoriale exposera en collectif à la Bibliothèque Universitaire du 29 septembre au 24 octobre 2020 lors de l’événement d’art contemporain « Mona Lisa TAPA tout dit » puis en prolongement de cette démarche à la Galerie Winkler du 29 octobre au 10 novembre 2020.

Libor Prokop :

https://libor-prokop-artiste-musical.business.site

https://www.discogs.com/fr/artist/5045870-Libor-Prokop

Bibliothèque de l’Université de la Polynésie française :

Faa’a – Tahiti – +689 40 86 64 00

Galerie Winkler

17, rue Jeanne d’Arc – Papeete – Tahiti – +689 40 42 81 77

https://www.galeriewinkler.net

Texte et photos : Valmigot