L’occupation

L’occupation

Comment s’emparer du texte, se l’approprier, l’explorer, en mesurer la portée pour mieux le rendre au public ? Mission doublement délicate en l’espèce puisqu’il s’agit d’un auteur dont l’intelligence et la profondeur s’inscrive dans la droite lignée d’une Françoise Sagan ou d’une Marguerite Duras. Doublement délicate puisqu’Annie Ernaux n’avait pas pensé « L’occupation » pour le théâtre. L’entreprise ne fut pas chose aisée, donc, mais Romane Bohringer et l’équipe constituée autour d’elle relèvent le challenge haut la main. Humilité et la simplicité constituaient les garde-fous pour éviter l’emphase ou pire, une intellectualisation outrancière.

Car Annie Ernaux parle certes avec un esprit agile et courageux mais aussi et surtout avec le cœur et les tripes. Elle explore avec une minutie chirurgicale le sentiment amoureux, avec humanité et sans fausse pudeur. J’évoque le courage lorsqu’il s’agit de regarder son passé bien en face, pour accepter ses erreurs, ses errances afin d’être enfin… rendu à soi-même et avancer.

L’histoire d’une femme hantée par une relation amoureuse dont on peut penser qu’elle n’alla pas jusqu’à son terme, rongée par une jalousie pathologique à l’égard d’une  autre femme, celle avec qui l’ancien amant décide de refaire sa vie, trop vite pour l’admettre. La pilule est dure à avaler et même lorsqu’elle l’est, la bile remue les entrailles et l’on se prend alors à délirer, à imaginer le pire, flirtant avec la paranoïa, plongeant dans une obsession quasi synonyme de folie.

Dans une scénographie sans falbala et redoutablement bien sentie, Pierre Pradinas dirige sa comédienne sur fond de vidéos évitant la paraphrase, et d’habillage musical soulignant avec une précision d’orfèvre, les affres de son personnage. Il aurait pu forcer le trait, faisant basculer le texte et celle qui le déclame, dans une tonalité mélodramatique ou un thriller psychologique à la Hitchcock. Il n’en est rien. Tout ici est subtil, vrai, sans fard, Romane Bohringer déployant une si jolie palette de jeu, de la tristesse accablante à l’humour salvateur. C’est tout cela que Vents d’Orage voulait évoquer avec une comédienne qui avoue avoir connu des heures chahutées et trouva en ce texte la clé pour s’échapper du trouble intérieur. On l’écoute à quelques minutes de monter sur scène :

Le pitch :
Avec « L’occupation », Annie Ernaux dresse l’éblouissant portrait d’une femme de quarante ans à travers un moment essentiel de sa vie amoureuse.
Cette femme se sépare de l’homme qui partageait sa vie depuis cinq ans. C’est elle qui le quitte, avec sans doute l’espoir de le retrouver un jour… Mais il s’éprend d’une autre dont il cache l’identité.

Tout connaître alors de sa rivale sans visage devient une obsession, et elle entre dans une passion jalouse qui occupe ses jours et envahit ses nuits… Romane Bohringer nous entraîne avec le musicien Christophe « Disco Minck » dans la jalousie passionnée d’une femme amoureuse.

L’occupation
Auteur : Annie Ernaux
Mise en scène : Pierre Pradinas
Avec : Romane Bohringer
Musique originale : Christophe « Disco » Minck

Jusqu’au 2 décembre 2018, du jeudi au dimanche

Théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy
75009   Paris

David Fargier – Vents d’Orage