Maison musée James Norman Hall

« De Papeete à Pitcairn, La Bounty nous est autrement contée »

Suivez le guide pour partir à la découverte d’une discrète maison bien singulière nichée dans un généreux écrin de verdure avec le Pacifique en perspective. Symposiums, expositions, conférences y rythment les saisons. Pour fêter l ‘entrée dans la période d’abondance, on nous propose un regard différent sur la transmission culturelle en présence d’une délégation du British museum et de Pauline Reynolds.

Entrer en ces lieux c’est un peu comme pénétrer « La maison aux esprits » de Bille August sauf qu’ici planent les âmes de Marlon Brando, de Tarita Tériipaia et de James Norman Hall co-auteur des Révoltés de la Bounty ; Justement nous sommes chez lui.

Une alchimie envoûtante, inspirée par le raffinement du mobilier d’origine associée à l’élégance de l’architecture tropicale, caractérise cette maison musée surplombant la baie de Matavai et sa plage volcanique de sable noir ;

Typique des années 30, classée au patrimoine polynésien, elle est riche de tout son vécu, de la famille de James qui a, lui aussi, épousé une tahitienne, Sarah Teraureia Winchester dont il a eu deux enfants.

Baudelaire aurait pu y écrire l’Invitation au voyage : « Ici tout n’est que luxe, calme et volupté » … avant la tempête a-t-on envie de rajouter.

L’énergie vibratoire générée par le lieu est palpable dès l’arrivée. Ici, le concept de Mana se passe d’explications car il se vit.

On n’est pas étonné d’apprendre que James Norman Hall, francophile, fit partie de l’Escadrille Lafayette, cette fameuse unité de volontaires américains constituée en 1916 sous commandement métropolitain pour venir en aide à la France lors de la Première Guerre Mondiale.

Il apparaît bien naturel pour un inconditionnel de Tahiti, pilote aguerri dont le courage et l’engagement sont les marques de fabrique d’avoir eu l’esprit piqué au vif par l’incroyable histoire du contre-amiral William Bligh et du lieutenant Fletcher Christian.

Des choix de vie, des choix de cœurs lient ses 3 hommes dans une spirale générationnelle.

En 1789, au siècle des Lumières et l’année même de la Révolution Française, Fletcher Christian se rendit célèbre par la mutinerie qu’il mena contre le commandant de La Bounty. Dans sa fuite à Pitcairn, il emmena huit mutins, six tahitiens, onze tahitiennes et un bébé.

Aujourd’hui la majorité de la population des Îles de Pitcairn et Norfolk descend directement de ces colons.

Le symposium organisé par Vivienne Millett, en charge du lieu, cet avant-dernier week-end de novembre, attire l’attention sur les oubliées de l’histoire, à savoir les femmes. Ces femmes ont à la fois porté, transmis la vie et leur culture. Pitcairn était un désert, elles en ont fait un espace de création.

Elles ont traversé l’océan avec leurs mémoires pour bagages et l’esprit de solidarité de leur communauté pour valeur.

Sur place elles ont veillé ensemble à préserver leurs traditions à travers l’utilisation et la transmission de leur langue. Le travail collectif exclusivement féminin autour d’un art textile ancestral, le tapa, a permis et renforcé cette volonté de pérenniser leur héritage culturel par son enseignement, une production d’excellence de par sa finesse et le don.

En effet, ces tapa, outre leurs fonctions rituelles et usuelles d’habillement, étaient offerts aux marins de passage favorisant ainsi un rayonnement artistique hors frontières.

Bien que jamais évoqué dans les manuels d’histoire, les polynésiennes fondatrices de Pitcairn furent par leur engagement les garantes de la cohésion sociale tout en sachant innover et se singulariser au fil du temps dans l’affirmation d’une identité esthétique. Leurs travaux s’inscrivent dans le patrimoine culturel immatériel des sociétés océaniennes.

« Elles ne sont jamais nommées » regrette Pauline Reynolds qui œuvre à leur reconnaissance. C’est si simple de rectifier le tir, permettez-moi de vous présenter ces femmes remarquables : Mauata, Teraura, Vahineatua, Toofaiti, Tevarua, Teio, Opuarai, Faahotu, Teatuahitea, Teehuteatuaonoa, Tinafanaea et Mareva.

Le deuxième sujet abordé par une délégation du British museum qui travaille en collaboration avec Pauline Reynolds depuis plusieurs années est « le costume de meneur de deuil », illustré à la gouache au XVIII ème siècle par Tupaia, diplomate et navigateur tahitien ayant embarqué sur l’Endeavour avec James Cook.

Ce costume dont le plastron compte à lui seul mille cinq cents pièces de nacre et utilisé lors de rites funéraires, revêt bien des mystères.

Notamment, les travaux de recherche et de restauration y afférents ont permis d’identifier l’origine des plumes de la coiffe.

Alors qu’il a fallu 200 ans pour relier le Nicobar Ponctué (Caloenas Maculata) à son cousin le Dodo mauricien, tous deux éteints, les chercheurs du British museum eurent la stupéfaction de constater que les plumes de ce pigeon se trouvaient sur le costume tahitien. D’où venait-il ? Océan Indien, Pacifique Sud ? De ses expéditions James Cook aurait rapporté un sujet dont on a perdu la trace… Le deuxième est à Liverpool.
La validation officielle de cette découverte est en cours.

Pour en savoir plus, venez assister au symposium !

Texte et photos Valmigot

Maison Musée de James Norman Hall

Arue – Tahiti

+689 40 50 01 60

Ouvert du mardi au samedi inclus de 9h à 16h

Symposium accessible sur réservation (2.000 cfp par soirée, collation incluse) – Parking gratuit, en face, côté mer

Vendredi 22 novembre : 18h – en anglais en présence d’un traducteur

« Le plastron du deuilleur » par la délégation du British Museum : Julie Adams, conservatrice pour l’Océanie ; Monique Pullan, restauratrice ; Chris Mussell, scientifique

Samedi 23 novembre : 18h – en français

« Les vahine de La Bounty : Tapa de Tahiti, Pitcairn et Norfolk » par Pauline Reynolds, historienne et artiste